La petite reine à tout ce qu’il faut pour gagner haut la main ses galons surannés. Douce et métaphorique, affectueuse et révérencieuse, tendre et terriblement exigeante, fleur et despote à la fois, la petite reine est d’une époque de respect de l’effort que la triche organisée et l’odeur écœurante du pognon mal gagné n’avaient pas encore abîmée.
Pour toi lecteur né après les années 70 (l’INSEE date officiellement la disparition du dernier pompistedu 2 mars 1979¹) le pompisteétait un mec sympa qui faisait le plein en carburant de ta voiture sans que tu aies à en descendre. Le cas échéant, et à la demande, il pouvait te faire comme on dit les niveaux c’est à dire l’appoint en huile ou liquide lave-glace. Ça coûtait la pièce et c’était marre.
Et pas uniquement parce que j’en fus un, usant mes fonds de culottes sur les rampes d’escaliers de Montmartre et posant pour les premiers touristes Japonais sur les marches du Sacré-Cœur (je vous parle du temps des Leica et du film Kodak à développer, pas de celui de la perche à selfie). Oui je l’aime ce poulbotparce qu’il réussit le tour de force de nous parler de l’enfance et d’être suranné. Un exploit, admettez-le pour une fois.
Le poulbotest un petit être malicieux et dégourdi, un coquin toujours prêt à une bonne partie de sonnettes (ben quoi, ne me dites pas que vous ne l’avez jamais fait), à un chapardage de bonbecs à la boulange’ (j’ai payé ma faute depuis), à faire voguer un bateau en papier dans les caniveaux transformés en Tanganyika impétueux ou à skipper un voilier majestueux au Luco.
On ne le croise plus guère ce joyeux drille de nos rues. Il a disparu après Félix Potin, après les Vespasiennes, enfoui sous le bitume qui a recouvert les pavés balancés sur les CRS en 68. Quoi que, des fois j’en aperçois. Il faut l’œil pour le voir : il a vieilli, il va moins vite, il est un peu dandy mais je crois qu’il fomente sa prochaine espièglerie. Il a toujours un certain succès avec les touristes Japonais.
Le bombeur de torse fier comme Artaban, la chemise ouverte sur un médaillon avec ses boots blanche et vieux ceinturon, j’ai mon rhumatisme qui devient gênant, ma pauvre Cécile j’ai soixante treize ans (air connu), le fier-à-bras à l’arrogance altière, le frimeur quoi, en a désormais terminé avec ses rodomontades.