Mets du charbon, t’occupe pas des Indiens [mɛ dy ʃaʁbɔ̃ tɔkyp pa dé ɛ̃djɛ̃]

Fig. A. Les Indiens et la charbon : une vieille histoire.

[mɛ dy ʃaʁbɔ̃ tɔkyp pa dé ɛ̃djɛ̃] (loc. bougn. CINÉ)

Le cossard irrite tant à l’époque surannée que la langue d’alors s’est chargée de pousser au cul celui qui tente de tirer audit postérieur¹, imaginant remettre sur le chemin du juste labeur le fainéant récalcitrant.

Il est possible que le Bougnat en droite provenance de sa Limagne natale soit le créateur inspiré de mets du charbon, t’occupe pas des Indiens, expression consacrée pour obliger l’indolent à bosser.

C’est en effet lui qui charrie sur ses épaules musclées le précieux combustible jusqu’au domicile du puissant, et le languide l’irrite lorsqu’il se met soudain à se préoccuper d’autre chose que de sa tâche qui doit le mener jusqu’au quatrième étage – sans ascenseur comme il se doit puisque Félix Roux et Jean Combaluzier n’ont pas encore eu le temps d’équiper plus que la Tour Eiffel (mais ceci est une autre histoire).

Et lorsque l’Auvergnat se crispe il fait dans le fleuri et dans l’amphigouri.

Le taquin fera bien entendu remarquer que Géronimo et consorts n’ont jamais vu le Puy-de-Dôme et que conséquemment leur présence interpelle.

Lorsque l’Auvergnat se crispe il fait dans le fleuri et dans l’amphigouri

C’est là faire peu de cas de l’évidente influence de John Ford et de son œuvre, le cinéaste de la conquête de l’Ouest nous offrant dès 1924 The Iron Horse (le cheval de fer), film retraçant la construction du premier chemin de fer traversant l’Amérique et la vengeance de Davy Brandon dont le père a été tué par les Indiens. On y entend à plusieurs reprises mets du charbon, t’occupe pas des Indiens tandis que des Peaux-Rouges criards qui les avaient pris pour cibles cherchent à les clouer nus aux poteaux de couleurs².

De Sacramento à Clermont-Ferrand il n’y a donc qu’un pas grâce à mets du charbon, t’occupe pas des Indiens. L’intrusion états-unienne dans la langue d’ici est rare, ne gâchons pas notre plaisir.

Fig. B. Limonadiers devant leur établissement.

Entre 1950 et 1970, la consommation de charbon diminue au profit des hydrocarbures, plus modernes. La tendance est alors à l’ordinaire et au super dont le litre à 1 franc remplit le réservoir de la R12. La surabondance de pétrole pousse le Bougnat à se spécialiser dans la limonade qu’il sert uniquement en son boui-boui et ne délivre plus à domicile.

La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier perd de sa superbe et entraîne avec elle mets du charbon, t’occupe pas des Indiens.

Le musard se refait la cerise, il va pouvoir tirer au flanc sans se faire sermonner. L’ère nouvelle s’annonce radieuse.

¹Tirer-au-cul
²Une coutume locale décrite par le poète.

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