Catégorie : Faits divers

C’était un rendez-vous [setɛ ɛ̃ ʁɑ̃de-vu]

Fig. Z. C’était un rendez-vous, Claude Lelouch.

[setɛ ɛ̃ ʁɑ̃de-vu] (titre CINÉ.)

Cinq heures certainement. Six tout au plus. Du matin évidemment. Périphérique intérieur, porte Dauphine. Je surgis du tunnel, on dirait une naissance. Rampe de sortie, le moteur vrombit déjà. On sent que le premier soleil n’est pas très loin. L’urgence et la quiétude à la fois.

Un premier véhicule devant, ses feux sont nets, il disparaît comme nous entrons sur la place Dauphine. Je me glisse entre deux autres voitures, Paris est calme à cette heure là. Je suis seul à rugir.
Virage à droite, il faut bien aborder l’avenue Foch et son immense ligne droite. Pied au plancher. Je me cale au milieu des voies qui remontent l’avenue bordée d’arbres qui dorment encore. Je suis concentré sur ma vitesse je perçois à peine ceux que je croise, ce taxi que je double. Les feux de signalisation sont avec moi; je crois. Deux cents kilomètres heure. L’Arc de Triomphe fait objectif. Il va falloir négocier l’Etoile. Même très tôt elle peut être fréquentée. Je ne rétrograderai pas avant les premiers pavés. Contre-braquer, glisser, filer, à droite les Champs. Moto, cycliste. Tout va bien.

Spirographe [spiʁɔɡʁaf]

Fig. A. Figure spirographée.

[spiʁɔɡʁaf] (néo. CRÉA.)

Je vois bien que je vous énerve, si, si.

Mais est-ce vraiment ma faute si mon enfance est pourvoyeuse de suranné à satiété ?

Je vous rappellerai que le processus d’entrée en surannéité pour un mot ou pour une expression répond à un long et difficile chemin et que je ne suis pas le seul juge (vous pouvez regarder cette petite vidéo explicative si besoin est). Ce propos liminaire posé, on continue.

À la bonne franquette [a la bɔn fʁɑ̃kɛt]

mots-surannes-a-la-bonne-franquette

Fig. D. Frugale réception à la bonne franquette. Archives perso.

[a la bɔn fʁɑ̃kɛt] (expr. POP.)

Plongeons dans le XVIIIᵉ (siècle, pas arrondissement), époque surannée qui nous donna franquette. Un paradoxe une fois de plus ! En ce siècle ampoulé pétri de manières (quoi que sur la fin on ait eu tendance à zigouiller avant de discuter le bout de gras) on voit surgir un mot à contre-pied. La franquette qui n’est pas encore bonne s’oppose en fait à la française. La franquette, simple, et la française, obligeante, cérémonieuse, par trop polie.

Pelle-à-cul [pelaky]

Fig. A. Pelle simple.

[pelaky] (n. com. JARD.)

Tout comme les enfants chez Jacques Martin (L’École des fans, 1977-1998), les mots surannés sont fooormidables. Et tout comme les enfants, les mots surannés ne prennent pas les détours de la bienséance pour faire savoir ce qu’ils ont à dire. Telle est pelle-à-cul.

Tang [tâɡ]

Fig. A. « Viens, allons déguster un Tang ».

[tâɡ] (n. MARQ. CIAL.)

Moi j’ai bu du Tang. Et c’est une condition sine qua non à l’acquisition d’un certain degré de surannéité. Plus qu’une boisson Tang c’était un rite initiatique, une entrée dans l’univers de la fête (celle d’anniversaire avec les ballons, le maquillage et les déguisements, pas la soirée toge&mousse au Pacha, enfin !). Parce que le Tang ça se préparait ma bonne dame.

Clabaudeur [klabodœʁ]

[klabodœʁ] (n. m. RAG.)

Il claque du bec ce clabaudeur. Pour un peu on l’entendrait presque aboyer rien qu’en lisant son nom, ce qui est, rappelons-le une fois de plus, une qualité intrinsèque du suranné. Je réitère : le suranné donne le ton de ce qu’il est avec ses syllabes. En appliquant cette règle fameuse vous aurez dès lors défini que le clabaudeur est un hâbleur claquant du bec bien haut et fort et portant beau. Une synthèse de Maître Renard et du Corbeau en quelque sorte.

Qu’es-aquò [kəsako]

Fig. ?. ???.

[kəsako] (LANG. OC)

Qu’es-aquò est un suranné qui souffre. Oui mes amis, ça arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le pense. Oh rassurez-vous, le suranné ne souffre pas d’être oublié là-bas au fond des livres (encore que…) mais celui dont je souhaite aujourd’hui vous entretenir souffre de multiples déformations qui pourraient même parfois le laisser passer pour un moderne, voire pire un fashion. Je veux citer ici les késako, quésaco, quézako, formes tordues et contraintes par la chute brutale de l’intérêt porté à l’orthographe corroboré à la magnificence contemporaine du LOL et du PTDR, mais ceci est une autre histoire dont il faudra pourtant bien s’occuper un jour.

Blézimarder [blezimaʁde]

Fig. A. Au théâtre ce soir.

(verb. ARGO. THÉÂ.)
EN CE NOUVEAU JOUR SURANNÉ NOUS DÉCLAMERONS HAUT ET FORT CETTE DÉFINITION.

OUI NOUS DÉCLAMERONS CAR BLÉZIMARDER NOUS PROVIENT DU THÉÂTRE, ET AU THÉÂTRE ON DÉCLAME. ET LE THÉÂTRE EN PLUS C’EST SURANNÉ.

Mignoter [miɲɔte]

Fg. G. Gentil nounours du pays des gentils.

[miɲɔte] (verb. PREM. GR.)

C‘est qu’il est doux comme un câlin d’enfance ce suranné là (et c’est d’ailleurs pour ça qu’il est bien suranné).

Mignoter ne fait pas grand cas de son évidente origine mignonne parce qu’il est parmi les plus gentils, tout simplement. Il ne se soucie guère d’une racine latine et noble, de préfixe, de suffixe, de vieux françois, d’argot, de populaire, de quelque complexe filiation qui l’amènerait du Nord ou d’Est. Non, mignoter est direct et suave à la fois, il sent bon la Soupline (mais si, souvenez-vous, le petit bébé emmitouflé sur fond bleu), il chantonne :