Catégorie : Faits divers

Les pièces qui tintent dans la poche [le pjɛs ki tɛ̃t dɑ̃ la pɔʃ]

Fig. A. Edward Hopper, The Serious Man in hat and cloak with coins in his pocket. MOMA.

[le pjɛs ki tɛ̃t dɑ̃ la pɔʃ] (gr. n. PERSO.)

Non seulement les pièces qui tintent dans la poche c’est suranné mais en plus c’est super classe. Enfin, disons que moi j’ai toujours trouvé cela super classe. Je m’explique, vous permettez ?

Faire suer le burnous [fɛʁ sɥe lə byʁnu]

Faire suer le burnous

Fig. A. La coloniale

[fɛʁ sɥe lə byʁnu] (exp. FAM. COL.)

🎼🎶Tiens voilà la Coloniale !
Tiens voilà les coloniaux !

Oui, on commence en chanson (je ne vous chanterai pas le reste¹) mais ce petit refrain est juste là pour vous rappeler que les temps coloniaux sont loin et surtout que l’interprétation de termes autochtones nous a parfois donné de cocasses expressions délicieusement surannées. Et puis ça me permet de vous montrer que je connais mes classiques, une autre fois je vous chanterai la Légion marche vers le front.

S’en tamponner le coquillard [sɑ̃ tɑ̃pɔne lə kɔkijaʁ]

Fig. A. Première machine à s’en tamponner le coquillard.

[sɑ̃ tɑ̃pɔne lə kɔkijaʁ] (exp. VULG)

S‘en tamponner le coquillard ou de l’image comme constitutive de la surannéité.

Car il ne vous aura pas échappé que l’expression sus citée fait appel à un grand sens de l’imagination pour être perçue dans sa complétude subtile sans pour autant se pervertir de vulgarité.

Galvaudeux [ɡalvodø]

Galvaudeux et son chien joyeux

Fig. L. Carte de tarot représentant un galvaudeux et son chien joyeux.

[ɡalvodø] (n. m. POP.)

Celui-la que je l’aime. Son énoncé me semble contenir toutes ses qualités.

Évidemment, puisqu’il est suranné on ne l’entend que rarement émailler une conversation mais croiser une ou deux fois par an un galvaudeux dans une conversation suffit à mon bonheur. J’avouerais même une certaine tendresse pour ce mélange de vagabond et d’oisif qui me fait immanquablement penser aux hobos de Kerouac ou de Jack London.

Tailler une bavette [taje yn bavɛt]

Tailler une bavette

Fig. A. Où bien tailler la bavette.

[taje yn bavɛt] (expr. FAM.)

Tailler une bavette n’est pas une spécialité bouchère-charcutière. Bavasser, babiller, palabrer, caqueter, bavarder, sont tous synonymes de tailler une bavette.

C’est qu’il en faut du souffle, de la salive, de l’imagination et du temps, pour tailler une bavette. Un certain goût aussi pour la météorologie. Avez-vous remarqué que tailler une bavette obéit à des codes complexes ?

Embouligou [ɑ̃buliɡu]

Fig. A. La Provence, pays de l’embouligou.

[ɑ̃buliɡu] (n. m. PROV.)

Guili-guilis embouligou ! Comment ? On me dit dans l’oreillette que certains n’ont jamais entendu cela, que je fabule, que j’imagine, que j’estropie, que je délire, pire encore que j’invente et je mens ! Halte-là camarade, si tes pas d’enfance ne t’ont jamais portés quelque part en Provence¹, si tu n’as jamais sommeillé sous la tonnelle et ri aux éclats pour des guili-guilis sur l’embouligou, hâte-toi de traîner tes parents en justice et oublie ton injuste vindicte à mon endroit. Tu devrais gagner gros.

À musse-pot [a myspo]

Fig. C. Bzzzzz bzzzzz bzz…

[a myspo] (loc. adv. FAM.)

D‘utilisation rarissime, à musse-pot nous vient probablement du fin fond des temps surannés, si tant est qu’on puisse encore les localiser. Et qui plus est d’une de ces provinces françaises qui gardent bien au secret leurs recettes de cuisine et quelque mythes païens inavouables (pierre de lave, animal sauvage mangeur d’hommes, Ankou, poil de licorne, forêt druidesque, etc.). Pour sûr il y a du patois sous cet à musse-pot ou je ne m’y connais pas.

Immanquablement comme j’entends à musse-pot dans une conversation (fait exceptionnel, donc), j’imagine des ombres indues se glisser sur les murs, des froissements d’étoffes dissimulatrices, des bougies pour n’éclairer que les mains, des regards qui fuient, des paroles chuchotées.

À musse-pot est l’escapade nocturne de l’amoureux adolescent, à musse-pot est tiré le tord-boyau du bouilleur de cru, à musse-pot est rejoint le coin à champignons ou le bras de rivière si poissonneux. Il y a du bon sens paysan dans cet à musse-pot là, c’est moi qui vous le dit. À musse-pot n’est pas méchant, tout juste entend-il préserver une petite part de secret au cœur de cette époque qui se repaît de potins, se gargarise de ragots et porte au firmament les plus grands indécents. À musse-pot est érotique : il susurre et s’accorde à demi-mot.

C’est un secret.

 

La fête à neuneu [la fɛt a nœnø]

La fête à neuneu

Fig. A. On vient aussi pour déjeuner à la fête à neuneu.

[la fɛt a nœnø] (exp. FAM.)

Lorsque la France était un Empire dirigé d’une main de fer par un Empereur, Napoléon 1er, en ces temps pas si lointains mais désormais surannés, un beau jour de 10 juin 1815, le chef en question décréta impérialement « qu’il sera établi dans la commune de Neuilly, arrondissement de Saint-Denis, département de la Seine, une foire annuelle pour la vente des marchandises de toute espèce; cette foire durera depuis le 24 juin jusqu’au 2 juillet inclusivement ».

Dans le cul la balayette [dɑ̃ lə ky la balɛjɛt]

Fig. A. « Luniperorum erat cibus in asino ».

[dɑ̃  lə ky la balɛjɛt] (exp. VULG.)
Allons, allons, je me refuse à entendre vos cris d’orfraie et de vierges effarouchées : comme si vous ne saviez pas que dans le cul la balayette existait et qu’il était suranné.

Franchir le Rubicon [fʁɑ̃ʃiʁ lə ʁybikɔ̃]

Fig. A. Jules César franchissant le Rubicon. SPQR.

Fig. A. Jules César franchissant le Rubicon. SPQR.

[fʁɑ̃ʃiʁ lə ʁybikɔ̃] (exp. HIST.)

49 avant JC, c’est vous dire si c’est suranné. Alea jacta est, c’est vous dire si c’est historique. J’aime franchir le Rubicon car elle relève d’une attitude volontaire et conquérante, d’une folie bien réfléchie (enfin autant qu’elle puisse l’être), d’un refus du déterminisme divin ou d’ailleurs, d’un risque pris avec tout ce qui pourra être ou ne pas être. Pisse-vinaigre s’abstenir, bien entendu, et vous savez combien je les chéris.