Tapioca [tapjɔka]

Fig. A. Manioc pour tapioca.

[tapjɔka] (n. com. FEC.)
Le tapioca c’est n’importe quoi. Une sorte de bouillie approximative, plus proche du lendemain de fête que du truc comestible… qui pourtant produit d’excellents mets une fois passé dans des mains expertes (pas les miennes). Le tapioca c’est comme le rutabaga; une bizarrerie qui flirte entre exotisme et popote d’avant-guerre, et qui pourrait bien revenir à la mode très rapidement grâce aux tenants du sans gluten, aux bobos et tous ceux qui nous bousillent notre suranné en en faisant du mainstream. Touche pas au tapioca !

Carabistouilles [kaʁabistuj]

Fig. A. M. Brun. Don de la maison Marcel Pagnol.

[kaʁabistuj] (probl. EXCLAM.)
Carabistouilles sent bon l’embrouille mais l’embrouille méridionale.

Ne me demandez pas pourquoi, c’est comme ça. La carabistouille c’est Panisse, c’est Monsieur Brun, c’est du Pagnol. La carabistouille est nécessairement Marseillaise. Elle charrie dans ses syllabes l’arnaque sans conséquences, la voix qui monte pour faire peur sans bien y parvenir, et le manque d’efficacité car un mot qui se termine en « ouille » peut-il vraiment être efficace ? Je dis non; mais il est en revanche digne d’être suranné.

Droguerie [dʁɔɡʁi]

Fig. A. Vendeur de droguerie.

[dʁɔɡʁi] (n. fém. COMMERC.)

Depuis toujours, ce mot sent le souffre. D’une part parce qu’on en trouvait dans ses rayons (mais à quoi cela pouvait-il bien servir ?) et d’autre part parce que sa proximité sémantique avec les interdits le rend suspect.

Qui peut bien avoir eu l’idée saugrenue de le nommer ainsi ?

J’observais avec candeur et admiration les adultes annoncer haut et fort qu’ils allaient à la droguerie, comme ça, tranquillement. Allons quoi ! Ma mère se perdant dans cet univers chaotique et interdit ? Comment était-ce possible ?

Les drogueries ont disparu, emportant avec elle leur lot de mystères, leurs savons de Marseille, leurs teintures à tout faire, leurs bouteilles de couleurs. Quand j’en trouve une sur mon chemin j’y fais un tour pour humer son odeur.

À la revoyure [a la ʁəvwajyʁ]

Fig. A. Au Père Tranquille. Paris XIVe.

[a la ʁəvwajyʁ] (exp. FAM.)

Il y a de la gouaille, du poulbot, dans un « À la revoyure«  lancé à la cantonade. J’aime bien son aspect rocailleux et respectueux à la fois. C’est un peut-être, un espoir, un rêve d’une prochaine rencontre qui se fera si tout va bien, si le destin le veut.
On le balance en quittant le bar des copains, la partie de pétanque, le baloche du samedi soir. Oui, il y a du Gavroche là-dedans.

À la revoyure les aminches !

Et tout le Saint-Frusquin [e tu lə _sɛ̃tfʁyskɛ̃_]

Fig. A. Saint-Frusquin nourrissant un petit lévrier. Musée du Vatican.

[e tu lə _sɛ̃tfʁyskɛ̃_] (exp. ET PATATI.)
Faire appel à un raccourci intégrant je ne sais quel truc canonisé (qui est donc ce Frusquin ?) est hautement jubilatoire.

Il oblige l’interlocuteur à se projeter dans un monde complexe empli de divinités et de leurs sbires mi-hommes mi-fruits-de-l’imagination, tous le toisant doctement et attendant qu’il se soumette. En ne proposant rien d’autre qu’un vague amalgame limbique, le Saint-Frusquin emporte l’acquiescement.

Nettement plus fort qu’un simple « tu vois ce que je veux dire », le Saint-Frusquin est la quintessence d’une pensée partagée sans être formulée. Quand vous ne savez plus quoi dire, terminez votre phrase en l’invoquant.

Du grand art je vous dis.