[ne pa pròmètre de pwar mòl] (loc. sanct. DUR.)
Pour survivre aux temps durs qu’étaient ceux des années de la peste, des pulls à col roulé qui grattent, de la bête du Gévaudan, des lignes à copier cent fois pour participe passé mal accordé, mieux valait ne pas être mou du genou.
En toute attitude d’ailleurs l’engourdissement était vilipendé.
Aussi, quand la menace grondait, quand ça allait barder et que le chenapan allait voir ce qu’il allait voir, il ne lui était pas promis de poires molles.
Ne pas promettre de poires molles sonnait comme l’hallali, la certitude que ça allait chauffer et qu’on en prendrait pour son grade tant il était acquis que cette mollesse fruitière ne pouvait rien donner d’autre qu’une quelconque compote. Chacun avait en effet pu cueillir sur l’arbre les poires fermes à souhait et les comparer aux blettes et flasques ayant chu, touchant du doigt cette faiblesse honnie : aussi était-il facile de comprendre l’opprobre à venir quand il n’était pas promis de poires molles par une autorité.
Ne pas promettre de poires molles sentait fort la sanction
Ne pas promettre de poires molles sentait fort la sanction, dure.
Née dans cette France où l’on servait la poire en début de repas pour aiguiser l’appétit avant de terminer avec une production laitière – les plats se situant donc entre la poire et le fromage – l’expression rejoignait le cortège des fruits et légumes nourrissant la langue française dans lequel la poire tenait déjà un rôle majeur.
Ne pas se prendre pour la queue d’une poire, se fendre la poire, être une bonne poire côtoyaient ramener sa fraise, ne pas avoir inventé la machine à cintrer les bananes, aussi bien qu’avoir l’as qui bat à renverser l’étagère aux oranges, transformant le moindre dictionnaire en échoppe maraîchère.
Sans qu’une quelconque autorité savante n’ait à le lui rappeler, le petit peuple gouailleur consommait donc allègrement ses cinq fruits et légumes par jour et conservait ainsi la santé et le sens des réalités puisqu’il savait décoder. Si un mielleux en campagne (électorale par exemple) venait à lui promettre des poires molles il pouvait lui jeter des tomates.
Sous le règne de Louis-Philippe 1er, ne pas promettre de poires molles atteint son firmament. Le fruit ressemble étrangement au roi des Français surnommé le Père La Poire (cf. fig. A) et le pouvoir ayant plutôt tendance à ne pas promettre de poires molles¹ il finira par lasser et se payer une révolution française (la troisième en une soixantaine d’années).
C‘est une quatrième et officieuse révolution qui aura la peau de la poire.
Dès 1968 l’interdiction d’interdire² entraîne une disparition de la sanction ou de sa menace. Ne pas promettre de poires molles ne passera pas le printemps et deviendra ainsi une expression surannée. Un avenir plein de promesses s’ouvrira alors mais ceci est une autre histoire.
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