Catégorie : Faits divers

Jean-fesse [Zanfès]

Fig. A. Réunion de Jean-fesse. Musée du Ramier.

Fig. A. Réunion de Jean-fesse. Musée du Ramier.

[Zanfès] (n. masc. Q.)

La subtilité est du suranné. Complexe à maîtriser cependant, elle ne s’offre pas au premier venu qui prendra par exemple un Jean pour un autre en mélangeant allègrement les différentes acceptions selon que le Jean en question sera gros-comme-devant, foutre ou bien encore bout-d’homme ou peuple¹ (le mélange des Jean est une erreur classique pour le moderne).

L’ami du clergé [lami dy klèrZé]

Fig. 1. "Un petit dernier pour la route et j'y vais".

Fig. 1. « Un petit dernier pour la route et j’y vais ».

[lami dy klèrZé] (loc. HIC.)

Le Petit Glossaire de l’argot ecclésiastique paru en 1966 chez Jean-Jacques Pauvert est un ouvrage unique à ce jour, écrit par Jean Follain, poète suranné s’il en est. Parmi les termes et expressions recensés en ses pages, le Glossaire nous livre une locution qui vaut son pesant de cacahuètes et de vin de messe.

Mettre le petit Jésus dans la crèche [mètre le peti Zézy dâ la krèS]

Fig. O. Petit Jésus dans sa crèche. -5 av. lui-même.

Fig. O. Petit Jésus dans la crèche. -5 av. lui-même.

[mètre le peti Zézy dâ la krèS] (loc. verb. INRI)

A priori l’expression étudiée en ces lignes pourrait avoir un petit peu plus de deux mille ans, ce qui lui donnerait un sacré caractère suranné. Il est cependant fort probable qu’elle naquit bien des siècles après l’enfant Jésus qu’elle utilise en sujet, selon toute vraisemblance en des temps où l’irrévérence se la jouait Peppone face à Don Camillo. Étudions.

🎼🎶Señorita dépêche-toi
Je suis un peu plus vieux que toi

Je ne vais plus au cinéma

On a fermé l’Alhambra

Le coup de pied de l’âne [le ku de pjé de lan]

Le coup de pied de l'âne

Fig. 1. Métamorphoses, ou L’Âne d’or. Apulée, IIᵉ s.

[le ku de pjé de lan] (loc. n. HI-HAN.)

Décidément notre fabuliste national Jean de la Fontaine est un pourvoyeur efficace d’expressions désuètes : c’est à nouveau à lui que la langue doit celle que voilà.

À lui et aussi à Caius Iulius Phaedrus dit Phèdre, autre fabuliste qui vécut à cheval sur les années avant et après JC ce qui n’est guère commode pour lui donner un âge¹.

Ne pas avoir cassé la patte à Coco [ne pa avwar kasé la pat a koko]

mots-surannes-avoir-casse-la-patte-a-coco

Fig. A. Ney chargeant l’Anglois à Waterloo.

[ne pa avwar kasé la pat a koko] (exp. compl. FUT.)

La soldatesque a son langage suranné forgé au champ d’honneur et au fil des exploits guerriers et héroïques qui n’appartiennent qu’à elle.

Souvent poétesse, son pygmalion galonné la laissant divaguer, elle s’est au fil des ans et des conquêtes créé un bréviaire autonome. Trottinons au pas de la cavalerie avant qu’elle ne devienne mécanique.

Hue cocotte !

Patte-pelu [patply]

Fig. A. Satisfait de lui-même, le patte-pelu pose.

Fig. A. Satisfait de lui-même, le patte-pelu pose.

[patply] (n. comp. MANIP.)

Patelin, archipatelin, bonimenteur, baragouineur, le rusé beau parleur a commis tant et tant de méfaits depuis que le langage existe que celui-ci s’est chargé de le cerner avec moult figures qui en disent long sur la triste sienne – de figure. Penchons-nous prudemment sur l’une d’entre elles.

Heureux comme un pape [örö kòm ê pap]

Heureux comme un pape

Fig. P. Le bonheur est dans le pré.

[örö kòm ê pap] (in nomine AMEN.)

Ah, le bonheur… Les philosophes les plus brillants ont tant glosé, les savants les plus sachants en ont tant dit sur lui, qu’il peut sembler un instant plutôt présomptueux de nous attaquer ici à la mesure de son intensité. Essayons-nous y tout de même.

Vison-visu [vizònvizy]

Fig. D. Vison pas visu.

Fig. D. Vison pas visu.

[vizònvizy] (loc. adv. IRON.)
User du suranné en pleine modernité revient généralement à se flageller la langue avec des orties fraîches et c’est là une bien périlleuse aventure surtout si l’on porte un propos qui aimerait être compris. Il est cependant quelques cas où l’on pourra glisser une désuétude pour peu qu’elle soit porteuse d’un caractère complexe à décoder : l’ironie.

Se monter le bourrichon [se môté le buriSô]

Fig. A. Fonctionnement d'un cerveau de Master Mind.

Fig. A. Fonctionnement d’un bourrichon remonté.

[se môté le buriSô] (loc. HUÎT.)

Les deux « rr » de tout mot suranné donnent le ton : ils se roulent pour bien lui conférer tout son sens d’antan, c’est une règle à respecter. Ce petit vibrato de la langue, ce son que les linguistes nomment consonne roulée alvéolaire voisée, est en français une marque délicate et charmante de désuétude¹. Entraînez-vous car voici un dérivé de bourriche qu’il va vous falloir prononcer.