Train de nuit [tʁɛ̃ də nɥi]

Fig. J. Train de nuit. Musée SNCF.

[tʁɛ̃ də nɥi] (SNCF)
Mais bien sûr que le train de nuit est suranné. La preuve est qu’il n’existe plus, ou presque.

La grande vitesse l’a remisé au fond de la gare d’Austerlitz, et encore.

Fini les voyages au long cours avec des provisions pour un repas et un petit déjeuner, les couvertures qui grattent et les voisins qui ronflent plus fort que le tactac tatoum.

Fini les clopes fumés dans le couloir, la fenêtre ouverte même si é pericoloso sporgersi.

Fini les longs dialogues avec une inconnue parce qu’on a le temps de se parler puisqu’on en a pour 15 heures. Et ces trrrrrrois minutes d’arrêt à Brive-la-Gaillarrrrde, je les adorais, au petit matin. Je veux aller lentement, je veux mon train de nuit.

Conter fleurette [kɔ̃te flœʁɛt]

Fig 1. Conter fleurette à la belle blonde.

[kɔ̃te flœʁɛt] (gr. verb. AMOU.)

Conter fleurette date du temps des billets doux à l’encre de Chine, quand prendre la plume avait une force, quand le bel orthographe faisait minauder tout autant que le beau parler. Autant dire qu’il s’agit d’une autre époque voire d’une autre planète.

Aujourd’hui on pécho à coup de 06 à la syntaxe martienne et un émoticône remplace le papier parfumé pour la subtilité. La fleurette a bel et bien fané. Conter fleurette s’en est allé, peut-être est-il caché dans une prairie ensoleillée, peut-être est-il occis par Monsanto et la télé-réalité qui n’ont que faire du temps d’avant.

Viens mignonne, allons quand même voir si la rose qui ce matin avait déclose, etc.

 

Folâtrer [fɔlɑtʁe]

Fig. A. Eau forte : « folâtrer ».

[fɔlɑtʁe] (verb. LÉG.)

Dans une époque pétrie de rentabilité, d’efficience et de rendement, folâtrer est devenu suranné en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, même en insistant longuement sur son â accentué… C’est dire.

Coupable est désormais celui qui s’en ira batifoler dans les herbes ou qui simplement prendra le temps de humer ce parfum de gazon que l’on tond au printemps. Vilipendé sois-tu si par hasard tu avais pris un moment pour t’asseoir sur un banc et regarder les enfants s’inventer un monde qu’il n’auront pas le courage de bâtir une fois devenus grands. On ne folâtre plus camarade d’ici bas. Garde ce verbe pour tes lectures si tu en as encore, oublie-le il est d’un autre temps.

Hôtel de la Plage [otɛl də la plaʒ]

Fig. A. L’hôtel de la plage.

[otɛl də la plaʒ] (lieu. HÔT.)

Où qu’il se cache ou se pavane, sur quelque côte que ce soit, fouetté par les embruns ou caressé par le soleil, l’Hôtel de la Plage est là, majestueux, sage, doux, amical et accueillant. Tant de belles choses depuis tant de générations se sont jouées sous ses fenêtres qu’il pourrait nous en parler pendant des heures de ces rencontres, de ces regards, de ces premières fois; mais il se contente de nous cajoler avec bienveillance du haut de son enseigne peinte qui n’a pas dû bouger depuis cent ans. L’Hôtel de la Plage est le lieu de vacances le plus suranné qui soit avec ses escaliers en bois ciré, ses portes lourdes qui grincent un peu, ses armoires normandes, ses édredons… Je n’y vais plus depuis longtemps.

J’y reviendrai.