Catégorie : Langues

Être aux abonnés absents [ètr oz- abòné apsâ]

Fig. O. Le songe d’une nuit d’été ou l’abonné absent.

[ètr oz- abòné apsâ] (loc. verb. P&T)

Connaître les conditions exactes de naissance d’une expression est rare. Profitons-en.

Voici que s’exprime ici une quasi-officielle formulation de l’administration des P&T devenue en moins de temps qu’il ne faut pour la dire l’image préférée des Français surannés pour décrire le distrait, le tête en l’air ou même le disparu corps et âme.

Estropier un anchois [èstròpjé ên- âSwa]

Fig. A. Bruegel « Paysans estropiant un anchois », 1565.

[èstròpjé ên- âSwa] (loc. verb. POUC.)
Si les années surannées sont avant tout celle du bien et du beaucoup manger, et pas forcément cinq fruits et légumes par jour, elles ont aussi leurs petites fringales qui doivent être satisfaites vite fait bien fait, et pourquoi pas en asphyxiant le Pierrot.

Envoyer la purée [âvwajé la pyré]

"Avoir fait la cantoche" dans son enfance scolaire c'est souvent avoir envoyé la purée...

Envoyer la purée

Fig. A. Assiette de purée prête à l’envoi. Musée école Jean Macé.

[âvwajé la pyré] (gr. verb MOUSSEL.)

Tous les fanfarons et anciens garnements revendiquent haut et fort leurs faits d’armes cantiniers et, comme des vétérans des véritables champs de bataille, tous vous parleront avec des trémolos dans la voix de cette fois épique où ils ont envoyé la purée.

Un temps de singe en laiton [ê tâ de sêZ â lètô]

Fig. A. Cold enough to freeze the balls of a brass monkey.

[ê tâ de sêZ â lètô] (gr. nom. MONK.)

L‘anglais n’est bienvenu sur nos terres qu’en de très rares circonstances et il convient de souligner avec tambours et trompettes qu’il est probablement à l’origine d’une bien jolie expression surannée décrivant les frimas météorologiques (l’on sait la passion des sujets de sa gracieuse majesté pour les insipides conversations sur le temps qu’il fait-ah-ne-m’en-parlez-pas-ma-pauvre-madame-do-not-tell-me-about-that-what-a-pity).

Ne pas manger de pain [ne pa mâZé de pê]

Fig. A. Marie Antoinette lasse de manger du pain.

[ne pa mâZé de pê] (loc. verb. PANEM)

Aucune autre langue que le français n’aurait pu créer l’expression étudiée en ces lignes, aucun autre pays ne consommant autant de pain que celui du fromage et du vin¹.

En cette contrée le boulanger est le roi du village, non parce qu’il se lève tôt et que l’avenir lui appartient, mais bel et bien parce qu’il nourrit le petit peuple des affamés qui n’hésitera pas à se révolter s’il ne peut casser la croûte.

Ne pas être la mort du petit cheval [ne pa ètr la mòr dy peti Seval]

Être (ne pas être) la mort du petit cheval

Fig. A. Petit cheval blanc seul devant.

[ne pa ètr la mòr dy peti Seval] (loc. verb. DADA)

Expression traumatisante à souhait pour tout enfant passé sous les fourches caudines et scolaires de la récitation par cœur et donc, o-bli-ga-toi-re-ment, par l’apprentissage de la Complainte du petit cheval blanc de Paul Fort, c’est la mort du petit cheval demande étude pour comprendre son pessimisme noir.

Asphyxier le Pierrot [asfiksjé le pjéro]

Fig. A. Deux petits blancs limés .

[asfiksjé le pjéro] (gr. verb. AU CLAIR DE.)

Qu’on se le dise, la langue surannée ne se parle pas qu’au Balto. Si elle comporte moult formules pour décrire ce qui se trame dans les établissements détenteurs d’une licence IV¹, c’est tout simplement que le bistrot est un lieu où la parole se libère plus facilement qu’ailleurs, convivialité oblige.

Téter la gargarousse [tété la ɡarɡarus]

Fig. A. Tétez la gargarousse à un crapaud, il deviendra prince charmant.

[tété la ɡarɡarus] (lang. prop. BAIS.)

Ce ne sont pas les gloires anciennes de sa propension à conquérir des contrées pour y planter son drapeau qui confèrent à la France sa réputation planétaire. C’est sa langue.

Des vertes et des pas mûres [dé vèrt é dé pa myr]

Fig. A. Vers dans un fruit trop vert.

[dé vèrt é dé pa myr] (loc. nom. FRUIT.)

Qui mange une banane verte se tordra la tripaille. Qui goûte ne serait-ce qu’une prune de la même couleur connaîtra quant à lui le droit de siéger sur le trône plus longtemps que Louis le quatorzième du nom, qui y resta tout de même soixante douze ans, trois mois et dix-huit jours. C’est dire.