Catégorie : Langues

Prendre le bouillon de onze heures [prâdre le bujô de ôz ër]

Prendre le bouillon de onze heures

Fig. A. Socrate prenant le bouillon de onze heures.

[prâdre le bujô de ôz ër] (gr. verb. ARSEN.)

Incomplète, mâtinée, une expression surannée devient moderne et perd de sa force évocatrice. Refusant le pis aller d’une langue fatiguée, voici que nous nous retrouvons à défendre les empoisonneurs qui firent les beaux jours de la faucheuse au XVIIᵉ.

On aura tout vu en ces lignes…

Faire des queues aux zéros [fèr dé kö o zéro]

Fig. A. Prix pas cher faisant des queues aux zéros. Musée de la grande distribution.

[fèr dé kö o zéro] (gr. verb. COMMERC.)

L‘inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. Elle doit être distinguée de l’augmentation du coût de la vie.

Enfin ça c’est l’INSEE qui essaye de nous le dire simplement, mais nous on sait bien que le seul truc qui compte c’est que les prix aient augmenté, pas que ce soit la faute à pas de chance ou au sens de l’histoire.

Pleuvoir comme à Gravelotte [plövwar kòm a ɡravlòt]

Fig. A. 16-18 août 1870. Bataille de Gravelotte.

[plövwar kòm a ɡravlòt] (gr. verb. METEO.)

Avec ses 836 habitants recensés en 2014 par les services de l’Etat dûment mandatés pour ce faire, la petite commune mosellane de Gravelotte possède toutes les apparences du village français anonyme et tranquille entendant bien rester et l’un et l’autre.

Manger une soupe à l’herbe [mâZé yn sup a lèrb]

Fig. A. Recette de la soupe à l’herbe. Illustration Rita Renoir.

[mâZé yn sup a lèrb] (gr. verb. BLE.)

Principe fondamental des années surannées, « mange ta soupe pour grandir » assomma de son impériosité sentencieuse plusieurs générations peu portées sur le bouillon de poule et la carotte mixée. Il est donc fort probable que ce traumatisme d’une enfance bafouée contribua à faire entrer en surannéité une expression au demeurant délicieuse.

Mettre du linge sur les salsifis [mètre dy lêZ syr lé salsifi]

Mettre du linge sur les salsifis

Fig. A. Allégorie : entrainement à la bataille de salsifis. Archives perso.

[mètre dy lêZ syr lé salsifi] (gr. verb. GAN.)

Tout populaire qu’il est le langage suranné n’abîme rien, bien au contraire. Certes des malotrus chaussant leurs gants de boxe voudront argumenter pour nous faire croire que l’expression que voici salit le geste qu’elle décrit. Eh bien nous relevons ce gant pour démontrer, à contre-pied, qu’elle fait honneur aux bonnes manières même si c’est avec truculence et gros sabots.

Calembredaine [kalâbredèn]

Fig. 1. Buffle ailé en colère monté par Lucifer se préparant à l’attaque. Origine incertaine.

[kalâbredèn] (subst. fém. MENT.)

Comme souvent quand il s’agit de prendre la lumière avec des explications pompeuses, ça se bouscule au portillon. Ceux qui savent ont bien des choses à nous dire sur l’origine d’un mot qui pourrait parfois fort à propos décrire leurs élucubrations mais ils n’en ont cure et font défiler leurs arguments en ferraillant. Car ceux qui savent ne sont vraiment pas d’accord entre eux, les uns glosant sur l’arabe kalem bour (كلام بور), les autres nous parlant d’une histoire de contes germaniques mettant en scène un espiègle abbé du nom de Calemberg.

Se manier le baba [se manjé le baba]

Se manier le baba

Fig. Q. Diverses études callipyges.

[se manjé le baba] (loc. verb. VIT.)

Ne croyez pas que le temps suranné n’ait jamais été celui de l’urgence. Il lui arrivait, lui aussi, de devoir se presser, s’activer, d’accélérer la cadence pour arriver au but un peu plus vite que prévu.

Quand la quiétude devait être troublée pour une raison impérieuse, le langage se dotait d’ordres qui n’en demeuraient pas moins imagés, ce n’est pas parce qu’on est pressé qu’on en est moins suranné tout de même !

Être pris pour un Américain [ètre pri pur ên- amérikê]

Être pris pour un Américain

Fig. A. Il était une fois l’Amérique. Allég.

[ètre pri pur ên- amérikê] (loc. verb. CAPITAL.)

Depuis que tonton Cristóbal est revenu plein aux as des Amériques en 1493, après avoir indexé le taux de change de l’or sur celui de la verroterie selon un savant calcul lui permettant de s’en mettre plein les fouilles (car après tout ce ne sont pas des sauvages en pagne qui vont se mettre à nous causer gros sous), l’habitant des lointaines terres de l’ouest passe pour un nabab de naissance qui n’aurait rien d’autre à faire que partager son immense fortune, éventuellement sous la contrainte.

Avoir l’œil qui frise [avwar lëj ki friz]

Avoir l’œil qui frise

Fig. A. T’as d’beaux yeux tu sais.

[avwar lëj ki friz] (loc. coiff. OCUL.)

Inutile d’aller chez le merlan pour aboutir à un résultat oculaire digne de l’expression surannée étudiée par ici. Et concomitamment nul besoin de courir consulter aux Quinze-Vingts si le symptôme venait vous affecter. Avoir l’œil qui frise n’est nullement dangereux.