
Fig. A. Montmartre.
[mɔ̃t la dəsy ty vɛʁa mɔ̃maʁtʁ] (LOC. TOURIST. SEX.)
Il est des mots anodins qui, sous des airs innocents et quasi enfantins, dissimulent des intentions nettement moins candides.
Monte là-dessus, tu verras Montmartre est de ceux-ci : une invitation qui, en sus de proposer une balade touristique dans Paname pour admirer la Butte, se double d’un clin d’œil grivois que seuls les esprits un tant soit peu roués sauront capter. Pas vraiment faite pour les poulbots, donc. Et un vrai piège à touristes.
Au premier abord, la phrase semble n’être qu’une manière aidante d’inciter à prendre de la hauteur pour mieux admirer la capitale. Montmartre, avec ses célèbres escaliers, sert ici d’appât : l’excursionniste s’imagine grimpant une chaise, un tabouret, un muret, pour embrasser du regard le Sacré-Cœur ou la place du Tertre. De là-haut c’est sûr, ce sera encore plus beau…
C’est oublier que la langue populaire ne laisse jamais une occasion de faire un pas de côté, surtout lorsqu’il s’agit de causer gaudriole avec une Américaine in Paris ou une petite provinciale de passage. Monte là-dessus, tu verras Montmartre, sous ses faux airs d’indication topographique, est avant tout une farce de corps de garde, un double sens pour inviter quelqu’un(e) à grimper un monticule pas franchement touristique.
La promesse panoramique devient proposition érotique
La promesse panoramique devient proposition érotique : on monte, mais ce que l’on découvre au sommet ne ressemble en rien à Montmartre. « Vas-y Mireille, monte là-dessus, tu verras Montmartre, et si t’as du bol, t’y verras aussi les étoiles » aurait pu ajouter Bérurier, fidèle compagnon du commissaire San-Antonio qui avait porté au sommet des acrobaties passionnelles cette ascension de la rue Lepic chevauché d’une cavalière perchée profitant du spectacle tout montant au septième ciel.
Pour peu qu’on s’interroge sur le panorama promis par la grimpette, on aboutit très vite à la Dame de fer. Érigée fièrement au centre de la capitale, élancée, métallique et campée sur ses fondations, elle est la métaphore verticale qui seule puisse permettre de bien voir Montmartre. De son deuxième étage – soit presque au firmament – elle offre ce paradis inégalé qu’est un Paris by night. Les autres villes du monde ne s’y sont pas risqué malgré leurs atouts indéniables. Pas de « monte là-dessus tu verras San Marco » à Venise, pas de « monte là-dessus tu verras Central Park » à New York.
Typique du registre argotique parisien, cette expression a fleuri dans les estaminets et les offices du tourisme où l’on ne rechignait jamais à aider sa prochaine. La capitale accueillant toujours autant de visiteuses, il est étrange que son usage ait disparu. À moins que saccagée par la modernité elle n’ait perdu de son attrait et de sa gouaille.