Catégorie : Faits divers

Corriger le Magnificat [kòriZé le maNifika]

Fig. A. Auto-portrait de Dalí en Joconde – Salvador Dalí. 1954.

[kòriZé le maNifika] (loc. verb. CANTIQ.)

Le mieux est l’ennemi du bien, dit la sagesse proverbiale. Quand on n’a rien à dire il vaut mieux fermer sa gueule surenchérit la populaire. Quant à la langue surannée, plus précieuse, elle va chercher dans la liturgie de quoi écraser la fraise de celui qui la ramène un peu trop.

S’écouter pisser [sékuté pisé]

Fig. A. Fat discourant.

[sékuté pisé] (loc. verb. FAT.)

S‘il est convenu, dans la correcte modernité, de très poliment souligner que le phraseur toujours prêt à en remettre une couche dans le discours et à se trouver ce faisant spirituel et brillant, s’écoute parler, nous pouvions évidemment compter sur la langue surannée pour ne pas le laisser s’en tirer aussi facilement.

Surannés incorrects [syrané êkòrèkt]

Fig. A. Jardin zoologique d’acclimatation. Bois de Boulogne, Jules Chéret, 1877.

[syrané êkòrèkt] (n. com. POLÉM.)

Tomber dans les oubliettes de la désuétude n’est pas à coup sûr regrettable. Il existe quelques noms surannés qui connurent le succès avant de devenir opprobre. S’ils sont aujourd’hui honnis et ne risquent pas de sortir de ce Dictionnaire raisonné des mots surannés et expressions désuètes, ils procurèrent du délices aux enfants parce qu’ils concernaient le dessert ou le goûter.

Des enfants qui sont devenus un peu plus vieux désormais et n’ont pas tous acquis, heureusement, des idées tordues pour avoir dégusté des Bamboula de Saint-Michel, des Créola de Chambourcy, du Banania de l’ami Y’a bon ou des têtes de nègres.

Petite revue d’effectifs de ces surannés bien incorrects en modernité :

Les biscuits Bamboula de Saint-Michel

Nés en 1987 pour chasser sur les terres de Pépito (cf. ay Pépito), les biscuits Bamboula vont lentement s’enfoncer dans la fange jusqu’à l’impensable : la création du Village Bamboula près de Nantes, avec figurants en tenues traditionnelles de Côte d’Ivoire et tout le tralala. Oui…

En 1994, Saint-Michel retire ses biscuits Bamboula des rayons et bamboula ne s’utilise même plus dans l’expression faire la bamboula, pour faire la fête (faire la bamboche reste acceptable).

Les desserts lactés Créola de Chambourcy

Trois parfums, vanille, caramel, chocolat, et trois petites filles à la peau vanille, caramel, chocolat pour vendre Créola dans la réclame télévisée. On est en 1987, et même s’ils abusent notoirement de substances hallucinogènes les publicitaires ne pensent pas à mal; c’est l’époque. Qu’importe, Créola deviendra un dessert suranné.

L’ami Y’a bon de Banania

La légende fondatrice veut qu’un tirailleur Sénégalais rapatrié du front en 1915 et employé à la fabrication de Banania, s’exclama « Y’a bon » en goûtant la fameuse poudre chocolatée. L’ami Y’a bon est créé dans la foulée; il deviendra l’égérie de la marque jusqu’à la fin des années 60. Un petit coucou de l’ami Y’a bon en 2005 puis une disparition définitive en surannéité en 2011. Les collectionneurs continuent à le traquer, dans les brocantes.

La tête de nègre de la boulangerie

Meringue et crème au beurre entourées de chocolat : avec la tête de nègre il y avait de quoi régaler les gourmands. Vraisemblablement inventée au Danemark sous le nom de negerbolle, elle fit l’objet de dizaines de déclinaisons locales dans de nombreux pays. Elle est devenue tête de choco, boutée en surannéité par la justice.

Déchausser Bertrand [déSosé bèrtrâ]

Fig. A. L’abus d’alcool peut faire déchausser Bertrand. Consommez avec modération.

[déSosé bèrtrâ] (loc. verb. BEURK.)
Les patins de parquet qu’auraient pu chanter Renaud s’il avait ajouté un vingt deuxième couplet à La Mère à Titi¹, ne sont pour rien dans l’expression ci-dessous que nous allons sortir de la naphtaline pour mieux la définir.

Langue de bœuf sauce piquante [lâɡ de bëf sos pikât]

Langue de bœuf sauce piquante

Fig. A. De re coquinaria.

[lâɡ de bëf sos pikât] (recet. CULIN.)

Malgré sa litanie de recettes traditionnelles expliquées à longueurs de livres jamais ouverts ou d’émissions télévisées vouant au pilori médiatique pour une carotte trop cuite ou une crème mal fouettée, la cuisine française a vu poussés vers l’oubli certains de ses plats trop longtemps proposés aux hordes écœurées des élèves de l’école Jean Macé (et autres établissements sous contrôle de l’éducation nationale).

Trancher de l’éléphant [trâSé de léléfâ]

Fig. A. Elephant man.

[trâSé de léléfâ] (loc. verb. BABA.)

Ils ont voulu bouffer Babar !

C’est un cri du cœur que pourrait pousser n’importe quel Vieux Con suranné éduqué aux aventures de l’éléphant le plus emblématique de son enfance s’il ne connaissait pas le sens de l’expression décortiquée ci-dessous.

Être crotté comme un archidiacre [ètre kròté kòm ên- arSidjakr]

Fig. A. Issac Newton et sa sœur vérifiant une théorie scientifique.

[ètre kròté kòm ên- arSidjakr] (loc. verb. LESSIV.)

Qui n’a jamais tenté l’expérience de mesure de l’influence de la gravité sur la boue suite à un saut pieds joints dans une flaque sur petit chemin de terre, ne peut avoir été l’objet du reproche qui suit.

Porter les armes de Bourges [pòrté léz- arme de burZ]

Fig. A. Guerriers Gaulois devant Avicarum.

[pòrté léz- arme de burZ] (loc. verb. GAUL.)

Il y a polémique sur le blasonnement de la bonne ville de Bourges.

« D’azur, à trois moutons passants d’argent, à la bordure engrêlée de gueules, au chef d’azur chargé de trois fleurs de lis d’or » pour les uns, « agneau Pascal avec une croix d’argent en champ d’azur » pour les autres, et enfin « âne assis dans un fauteuil » pour quelques marginaux.

C’est toujours ça que les Boches n’auront pas [sè tuZur sa ke lé bòS norô pa]

C'est toujours ça que les Boches n'auront pas

Fig. A. Les convives félicitent le chef : c’est toujours ça que les Boches n’auront pas.

[sè tuZur sa ke lé bòS norô pa] (loc. verb. RFA)
Avec la désagréable habitude prise au XXᵉ siècle par l’armée allemande d’envahir notre pays pour vérifier si l’on y était bien « heureux comme Dieu en France » comme suggéré par l’écrivain Friedrich Sieburg¹, se cristallisa une expression aujourd’hui désuète traduisant une forme de ressentiment non dissimulé vis à vis du soldat vert de gris.