Bien que débutant sa carrière en tant que vendeur de lessive en juillet 1963 (Ava, protège les tissus en gardant toute leur fraîcheur), un vilain petit canard trimballant sa peine et sa moitié de coquille vide va connaître une destinée particulière en devenant le sujet de l’expression consacrée pour moquer le parano.
Propulsé héros de dessins animés après sa pige commerciale, Calimero exposera ainsi sa capacité à se plaindre du moindre petit tracas pendant des dizaines d’épisodes, concluant d’un récurrent « C’est vraiment trop inzuste » ses aventures au cœur du vaste monde et face à sa méchanceté. Cette répétition lassante et zozotante d’une langueur à peine moins monotone que celle des sanglots longs des violons de l’automne aura pour résultat de créer faire son Calimero aux alentours de 1976, les mieux renseignés des experts prétendant que le premier « fais pas ton Calimero » aurait été adressé à Francis C. qui se plaignait dans la cour de l’école Jean Macé d’être toujours le dernier choisi pour former les équipes de foot¹.
Fais pas ton Calimero
Si l’on écarte un instant les querelles picrocholines sur le lieu de naissance du reproche au plaintif, on constatera simplement qu’à l’apogée des années surannées, faire son Calimero est dans toutes les bouches et tance l’élégiaque et le geignant à qui mieux mieux.
« Je me suis cassé un ongle » : fais pas ton Calimero. « Le Picon bière a pris 10 centimes au comptoir » : fais pas ton Calimero (et remets-nous ça Marcel). « Y avait pas péno ! » : fais pas ton Calimero.
S’il peut être démontré comment réussir quand on est con et pleurnichard² c’est bien avec Calimero.
Sans que le pleurard ne perde de sa pauvre prestance, faire son Calimero déclinera pourtant en entrant en modernité.
Progressivement remplacé par un onomatopesque ouin-ouin, le caneton chagrin se recroquevillera et disparaîtra du langage.
Les optimistes prétendent que son ramage et son plumage l’ont fait devenir le phénix des hôtes de la basse-cour, les pessimistes qu’il a fini laqué dans un bouge cantonnais.