[avwar la fès tôdy] (loc. séduc. PILOS.)
Bien longtemps avant l’installation du séant comme norme de base de la plastique et donc du pouvoir, il semble que le fouettard régnait déjà sur le langage.
On constate en effet qu’avoir la fesse tondue s’emploie hardi petit au XVIIe, siècle galant par excellence où celui qui maîtrise les codes de l’art de vivre à la française et sait complimenter la dame à la faire rougir pourra bénéficier de ses faveurs – puisque là est le but, évidemment.
La fesse qui n’est pas encore galbée et musclée tel le moderne popotin de n’importe quelle starlette télé-réaliste, est alors dite tondue pour révéler tout l’entregent et l’habileté du séducteur.
Si la constitution de l’expression demeure obscure au chercheur en mots surannés, elle s’inscrit néanmoins en droite ligne dans le mouvement d’exécration du poil que l’on rencontre aussi dans avoir le persil qui sort du cabas, autre formule qui fait de la pilosité en zone intime un handicap certain. Sa légitimité est donc avérée.
Casanova possède certainement l’un des sillons interfessier les plus glabres de son époque
Avoir la fesse tondue, au propre comme au figuré, revient donc à avoir plus d’un tour dans son sac en matière amoureuse, par exemple en montrant ses estampes japonaise ou en beurrant des tartines.
Notons que son usage désigne exclusivement un homme, le baba féminin étant considéré par définition aussi doux que celui d’un bébé. Ainsi l’on dira que Dom Juan a la fesse tondue, que le Vicomte de Valmont est tout autant net du croupion et que Giacomo Girolamo Casanova possède certainement l’un des sillons interfessier les plus glabres de son époque.
Ces grands séducteurs feront énormément pour l’expression, la propulsant au firmament de celles à utiliser pour les décrire.
Au fil des siècles elle se démocratisera et plus d’un bourreau des cœurs de camping sera dit ayant la fesse tondue (chose au demeurant aisément vérifiable puisqu’il se pavane en maillot de bain toute la journée) tout comme le moindre baratineur de petite Anglaise en goguette estivale tentant de rendre profitable la condamnation à un séjour outre-Manche reçue pour mauvais résultats scolaires.
L‘irruption moderne du brazilian butt lift sur les marchés conjoints de la chirurgie et de l’esthétique portera un coup sérieux à l’usage d’avoir la fesse tondue (pour d’évidentes raisons économiques) et son crédit se perdra totalement lorsque la galanterie se verra considérée comme un moyen pour une moitié masculine de l’humanité de dominer l’autre moitié.
Devant ce front du refus de la fesse morte et de la parole enjôleuse, avoir la fesse tondue s’affaissera en une surannéité dont elle ne se relèvera jamais.