Ne pas être la ratiche la moins cariée du dentier [nø pa ɛtʁ la ʁatiʃ la mwɛ̃ kaʁje dy dɑ̃tje]

Fig. A. Fourbe à dent cariée.

[nø pa ɛtʁ la ʁatiʃ la mwɛ̃ kaʁje dy dɑ̃tje] (COLGAT. DENTIS.)

Dans la grande mâchoire du monde où chacun tente de croquer son morceau du gâteau, il est des dents plus acérées que d’autres, des prémolaires aux intentions douteuses, des canines prêtes à mordre avant même d’avoir souri.

C’est à ces chicots gangrenés pour lesquels la fin justifie toujours les moyens que l’on doit ne pas être la ratiche la moins cariée du dentier.

Si l’on prête logiquement au dentier des vertus de mastication, de connivence aussi lorsqu’il se porte bien blanc façon Colgate, il dissimule parfois en son sein une molaire véreuse, une incisive pernicieuse qui, à force de ronger dans l’ombre, finit par fournir à l’ensemble du râtelier une haleine de saint Colomban.

Celui qui n’est pas la ratiche la moins cariée du dentier est de celles-là : un individu dont la moralité est aussi douteuse qu’un bridge mal ajusté et aussi friable qu’une dent de lait attendant la petite souris.

Il avance derrière un sourire à quatre quatre-vingt-quinze pour cacher son relent de lendemain de bamboche, mâchouillant ses combines et aiguisant ses crocs pour mieux planter un mauvais coup. Il est du genre à faire dans l’abcès de confiance.

Derrière cette métaphore d’odontologie sociale à prendre dans les gencives, la langue surannée rappelle à ses contemporains qu’il vaut mieux se méfier des sourires éclatants et des apparences trop lisses. Que sous l’ivoire se tapit le trompeur. Et qu’un brossage régulier permettra de chasser la nuisance. Elle est vigilante la bavarde d’alors car elle a appris avec le temps à déceler les fourberies en tous genres et les tartuffes de service.

Bien entendu, avec la montée en puissance des blanchiments dentaires et des facettes en céramique, ne pas être la ratiche la moins cariée du dentier finira par passer aux oubliettes du langage.

Mais que les naïfs ne s’y trompent pas : si l’expression est désormais aux abonnés absents, l’espèce, elle, n’a pas disparu. Les temps modernes ont simplement troqué les dentiers bringuebalants et les arnaques à l’ancienne contre des manipulations bien polies. Continuez à vous brosser les dents.

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