Faussement flatteur, pour désigner un état peu engageant au réveil.

Fig. A. Fraîche sur son pot de chambre.
[ɛtʁ fʁɛ kɔm‿œ̃ pɔ də ʃɑ̃bʁ] (métaph. FATIG.)
Il serait sans doute excessif d’énoncer tout de go que certaines expressions fleurent bon la naphtaline et la chambre sans salle d’eau (l’odeur dans ce cas n’est pas toujours des plus appréciables).
Mais pour autant, être frais comme un pot de chambre appartient à une catégorie des compliments douteux, d’éloges à double tranchant, qui, si l’on y regarde de plus près, sentent un peu le renfermé.
Le sujet est en effet ce Jules d’antan, un pot de chambre. Cet objet jadis indispensable, compagnon des nuits sans plomberie, fidèle réceptacle des urgences pressées, qu’on cachait pudiquement sous le lit mais que tout le monde finissait par apercevoir un jour ou l’autre (de préférence avant d’avoir mis le pied dedans).
Et pourtant, être frais comme un pot de chambre, c’est — littéralement — se voir qualifié de plein de vigueur, en grande forme, revigoré comme après un bain écossais.
Mais il y a pot et pot. Et il faut ici comprendre pot vidé, rincé, briqué, et bien exposé à l’air libre, fraîcheur retrouvée par contraste avec ce qu’il a contenu. Voilà ce qu’indique l’expression : une fraîcheur un brin suspecte, trop nette pour être honnête. Un air pimpant, un sourire éclatant, une mine trop rose, qui cache peut-être une soirée agitée ou un réveil difficile.
On réserve l’expression à celui qui arrive au travail trop enjoué pour être clair, à l’enfant qui revient de chez sa grand-mère après une semaine de sirop, à l’oncle qui sort du cabinet de toilette le cheveu humide et l’œil vif. « Tiens, t’es frais comme un pot de chambre toi ce matin ! », dira-t-on avec cette ironie typique des familles françaises un brin sarcastiques.
Une fraîcheur à manier avec des pincettes
L’expression est donc mi-compliment mi-piège, et c’est ce qui fait son charme. Car il ne faudrait pas croire que la langue surannée donne dans la flagornerie sans arrière-pensée. Il y a toujours dans le compliment suranné un soupçon de vinaigre, une petite gifle dans la caresse.
Mais l’expression a connu son déclin avec la généralisation des sanitaires et la fin des nuits glaciales dans les chambres d’amis non chauffées. Le pot de chambre, relégué aux musées des arts domestiques, a laissé la place au bol tibétain, et la fraîcheur s’évalue désormais en niveaux de glow ou d’indice de vitalité cosmétique. Autant dire sur des échelles complexes auxquelles n’accède pas le Vieux Con suranné®.
Le moderne n’est donc plus frais comme un pot de chambre. Il a les yeux en couilles d’hirondelle mais ça ne se voit pas : il sort de son sauna facial à LED. Et il ne comprendrait pas qu’on l’en félicite à grands coups de pot en faïence.