[fèr lé katre kwê de la ry] (loc. verb. ALCOO.)
Attenzion mes zâââmis, attenzion, hips, le fait de se trouver en état d’ivvvvresse manifezte dans les lieux menzionnés à l’article L. 3341-1 du Code de la zaaanté publique, est puni, voilà puni, pu-ni, p-u-n-i, de l’amende prévue pour les contravenzions de deuzièèème classe. Hips. La classe. Hips.
Oui, faire les quatre coins de la rue est puni par la loi. D’autant plus facilement que tituber, tenir des propos incohérents ou incompréhensibles, perdre l’équilibre, avoir les yeux vitreux et posséder une haleine sentant fortement l’alcool¹ est un état facile à repérer pour la maréchaussée.
Au regard de la loi du 23 janvier 1873, il est donc autorisé de parcourir la rue de façon rectiligne et directe, d’un bout à l’autre, mais interdit d’en faire les quatre coins, aveu évident d’éthylisme.
C’est à Jean-Baptiste Victor Théophile Roussel que l’on doit cette défense de quadrilater tranquillement sur la voie publique, le brave médecin de campagne et homme politique ayant toute sa vie pourfendu l’ivresse publique et manifeste dans les rues, chemins, places, cafés et cabarets. Faire les quatre coins de la rue envoie (grâce à sa loi que d’aucuns jugeront scélérates, mais ceci est une autre histoire), le contrevenant terminer la fiesta en cellule de dégrisement avec d’autres convives imbibés; une bonne occasion pour l’alcoolique mondain de croiser l’arsouille de tripot et de créer les conditions de l’éphémère fraternité des biberonneurs².
Notons que ce bon JBVTR prit soin de ne pas faire inscrire l’ivresse du pouvoir dans la liste des intempérances répréhensibles, autorisant ce faisant ceux qui en sont atteints à faire les quatre coins de la rue (généralement en période électorale pour flatter la ménagère indécise et le pêcheur à la ligne abstentionniste).
En 1997, soit au début des temps modernes, les marchands du temple poussent le bouchon un peu plus loin.
S’appuyant sur une rime pour que le consommateur mémorise et achète, ils décident que sans alcool la fête est plus folle et commercialisent massivement « Mister Cocktail, une-large-gamme-de-saveurs-cocktails-prêts-à boire-et-sans-alcool » comme le professe leur argumentaire hygiéniste.
Le terrible succès du slogan (et des immondes breuvages vendus à prix d’or l’accompagnant) rend faire les quatre coins de la rue totalement surannée.
Le fêtard marche droit désormais, ce qui permet aux affaires de tourner rond. C’est l’essentiel.