[kòmâté léz- ëvre de kyZas] (loc. verb. JURIS.)
Jacques Cujas était un humaniste, c’est certain. Son œuvre plaide largement en sa faveur. Mais il ne sera pas question en ces lignes de gloser sur le mos gallicus.
L’expression qu’il nous tarde de mettre à nu, bien que construite autour du nom de Cujas, ne concerne pas directement ce bon Jacques mais sa fille Suzanne.
Commenter les œuvres de Cujas comme disent les Sorbonnards, ne consiste pas vraiment à travailler hardi petit le Corpus Iuris Civilis de Justinien, et la donzelle n’y est pas pour rien.
Née du second mariage du juriste, la petite Suzanne perd son père alors qu’elle n’a que trois ans puis se retrouve mariée à quinze. Des conditions qui vont lui forger le caractère comme on dit pudiquement. Dans les années qui suivront elle épuisera trois époux et une flopée de fougueux étudiants préférant se pencher sur les appas de la dame plutôt que sur les analyses philologiques de son père (ce qui est fort compréhensible parce que le droit romain c’est pénible même si c’est une autre histoire).
Peu avare de ses charmes que l’on célèbre dans toutes les gargotes du quartier latin, la Suzon de son petit nom léguera donc au langage suranné commenter les œuvres de Cujas en guise de synonyme de partie fine. Une expression suffisamment codée pour que les barbacoles ne s’émeuvent point d’un étudiant en retard parce qu’il était en train de commenter les œuvres de Cujas.
Lorsque le 2 octobre 1865 la rue Saint-Étienne des Grès¹ prend le nom de rue Cujas (Paris Ve), chaque âme pure imagine que c’est en hommage au jurisconsulte.
Mais les coquins qui sévissent encore entre la Montagne Sainte-Geneviève et la rue de la Huchette, et qui ont fait de commenter les œuvres de Cujas une expression très largement usitée depuis le début du XVIIe siècle, ne l’entendent pas de cette oreille. Ils iront jusqu’à ourdir un sombre complot pour que la rue ne soit que Cujas et non Jacques Cujas comme en avait initialement caressé l’idée la ville de Paris, présentant leurs hommages posthumes à la belle en quelque sorte.
Ils perdront ce combat à Toulouse où la rue qui vit naître le bon homme sera « Jacques-Cujas, jurisconsulte 1522-1590 »², et plus encore « Jacme Cujas, jurisconsulta » en occitan dans le texte. De là à en déduire que commenter les œuvres de Cujas n’a pas le même sens en langue d’oïl et en langue d’oc, et que cette dernière l’emportera puisque l’expression deviendra surannée, il n’y a qu’un pas que nous franchirons allègrement.
« Commentez les œuvres de Cujas ci-dessous. Vous exposerez en quoi le point de vue de l’auteur s’oppose au mos italicus des bartolistes » posé comme intitulé d’une dissertation juridique soumise à la sagacité d’étudiants en Droit répondant tous comme de parfaits postglossateurs sonnera la fin de la récréation. Le savoir n’est pas réellement compatible avec la bagatelle.