Catégorie : Élégances

La tournée des grands-ducs [la tuʁne de ɡʁɑ̃dsdyk]

Fig. 12. Groupe de fêtards en tournée des grands-ducs. XIXe s.

[la tuʁne de ɡʁɑ̃dsdyk] (exp. fest. NOBL.)

Faisant généralement l’objet d’une annonce à qui veut bien l’entendre dans le canton, la tournée des grands-ducs est un de ces instants festifs dont on reparlera dans l’année qui suivra, tout en sous-entendu bien entendu.

Galurin [ɡalyʁɛ̃]

Fig. A. Galurin de scribouillard.

[ɡalyʁɛ̃] (n. m. POP.)

Tout en ce galurin est suranné. Son nom d’abord, son port ensuite.

Attaquons-nous au nom : le dernier à l’avoir prononcé (qui plus est sous sa forme abrégée de galu) est ce brave Alexandre-Benoît Bérurier¹, le recherchant après quelque bagarre ou partie de jambes-en-l’air, c’est en tout cas vous dire si ça date. Depuis, nul être aux esgourdes ouvertes n’a décemment pu entendre prononcer ce terme. Attention, ne vous laissez pas abuser par la proximité sonore facile d’un gai-luron, d’un gros surin ou d’un gras lapin (ok, ok, là je suis limite²). Non vraiment, galurin n’est plus en verve depuis fort loin.

Se faire remonter les bretelles [se fèr remôté lé bretèl]

Se faire remonter les bretelles

Fig. A. Bretelles de Stan Laurel. Collec. privée.

[se fèr remôté lé bretèl] (exp. fig. FAM.)

D‘entrée de jeu, les bretelles donnent le ton : ce sera suranné. Eh bien oui, qui aujourd’hui en porte sinon quelques dandys ? Et cessez de me la jouer trader de Wall Street sur l’heure, ça ne m’impressionne guère, j’ai pratiqué les mœurs locales. Les bretelles, les vraies, celles qui s’accrochent avec des boutons, sont surannées. Alors se les faire remonter, quel festival !

Slip kangourou [slip kɑ̃ɡuʁu]

Slip kangourou

Fig. A. Porter un slip kangourou peut faire rire.

[slip kɑ̃ɡuʁu] (n.m. BONN.)

Quelle bizarrerie créative aura un jour germée dans les limbes grisâtres d’un spécialiste de la bonneterie masculine pour ouvrir à tous vents un déjà bien mince tissu en charge de protéger l’origine (masculine) du monde ?

Bah mon ami, on était en France au début du siècle précédent, en ce pays et cette époque fournisseurs officiels de tellement de suranné, alors…

La veste d’intérieur en soie matelassée [la vɛst dɛ̃teʁjœʁ ɑ̃ swa matlase]

Fig. A. La veste d’intérieur en soie matelassée est un mystère épais.

[la vɛst dɛ̃teʁjœʁ ɑ̃ swa matlase] (gr. n. MOD.)

La veste d’intérieur en soie matelassée vient récemment de quitter le stade du has-been¹ pour entrer en surannéité².

C’est une sacrée nouvelle que les journaux et télévisions complices du modernisme et de l’obsolescence programmée ont bien cachée à nos contemporains. Il est grand temps de rétablir la vérité.

La veste d’intérieur en soie matelassée vous l’avez forcément aperçue dans quelque représentation cinématographique mettant en scène Jean Gabin ou l’un de ses compères, vous l’avez croisée aussi sur des photos de ces vieilles pub american way of life des fifties ou des sixties, vous questionnant sur son véritable sens, je le sais.

La veste d’intérieur en soie matelassée est un mystère épais et j’admets moi-même une certaine circonspection devant la chose. Mais il en est ainsi du suranné, toujours prompt à nous étonner. J’en reste coi.

¹Courbe O tempora o mores
²Selon une étude IPSOS/Fashion Police® du 1er février 2015

Les coudières [le _kudjɛʁ_]

Fig. A. Les coudières de Monsieur sont prêtes, Monsieur.

[le _kudjɛʁ_] (n.m. MOD. PARAD.)

Deux concepts complexes, j’en conviens, à envisager de concert : la mode et le suranné.

Le mouchoir en tissu [lə muʃwaʁ ɑ̃ tisy]

Fig. B. Une pochette de tissu pouvant, le cas échéant, faire office de mouchoir.

Fig. B. Une pochette de tissu pouvant, le cas échéant, faire office de mouchoir.

[lə muʃwaʁ ɑ̃ tisy] (access. TISS.)

Automne et températures frisquettes obligent, voici que la goutte au nez revient et avec elle son corollaire : le mouchoir.

Un rapide aparté sur le reniflement et le mouchage dit « à la russe » particulièrement apprécié des réalisateurs sportifs (puisqu’ils nous le filment en gros plan) et des footballeurs (puisqu’ils en abusent à satiété) : c’est dégueulasse et pis c’est tout.

Revenons donc au mouchoir.

Robe à smocks [ʁɔb a smɔk]

Fig. H. Caroline Ingalls se rendant à l’office.

[ʁɔb a smɔk] (mod. ROB.)

Avec la robe à smocks voici donc le retour de ma face la plus sombre : mon côté tratra. Car oui je le proclame, la robe à smocks avec ses fronces multiples et son col Claudine intègre haut la main le dressing suranné de la femme à la mode. Nul ne saurait le contester sauf à faire preuve d’une évidente mauvaise foi. Et si elle est portée comme il se doit, c’est à dire avec socquettes et souliers vernis de bon aloi, alors elle est vertu et innocence. Ah Mary et Laura Ingalls gambadant dans la prairie, accompagnant ce juste Charles jusqu’à la scierie ou aidant la douce et belle Caroline à ramasser les haricots… Ah, la robe à smocks est un délice. Et voilà, vous me faites divaguer. Et qui c’est qui va encore avoir maille à partir avec les féministes de la #team1erdegré ?

 

Conter fleurette [kɔ̃te flœʁɛt]

Fig 1. Conter fleurette à la belle blonde.

[kɔ̃te flœʁɛt] (gr. verb. AMOU.)

Conter fleurette date du temps des billets doux à l’encre de Chine, quand prendre la plume avait une force, quand le bel orthographe faisait minauder tout autant que le beau parler. Autant dire qu’il s’agit d’une autre époque voire d’une autre planète.

Aujourd’hui on pécho à coup de 06 à la syntaxe martienne et un émoticône remplace le papier parfumé pour la subtilité. La fleurette a bel et bien fané. Conter fleurette s’en est allé, peut-être est-il caché dans une prairie ensoleillée, peut-être est-il occis par Monsanto et la télé-réalité qui n’ont que faire du temps d’avant.

Viens mignonne, allons quand même voir si la rose qui ce matin avait déclose, etc.

 

Aller chez le merlan [ale ʃe lə mɛʁlɑ̃]

Aller chez le merlan

Fig. C. Chez le merlan.

[ale ʃe lə mɛʁlɑ̃] (exp. coiff. L’OREA.)
Ah que voilà une expression qui sent la gomina, le garçon maniéré et la raie sur le côté. Aller chez le merlan ne se pratique guère plus depuis que les concepts franchisés ont stéréotypé la création capillaire.