[avwar lé kartuSjèr ply lôɡ ke le fyzi] (loc. compar. COUIL.)
Ô combien est utile la pudeur du langage suranné quand il s’agit de gloser sur les saccages du vécu lorsque le temps passé est de toute évidence supérieur à celui du futur.
Ô combien le vieillard rabougri en son intimité aimera-t-il la formule avoir les cartouchières plus longues que le fusil plutôt qu’une trop médicale glose sur le relâchement du muscle crémaster qui fait pendre les gonades en dessous d’un niveau raisonnable pour l’estime de soi.
Depuis l’invention de la poudre en Chine au IXe siècle et celle de l’arquebuse dans la foulée, fusil et cartouchières croisées sur un torse bombé sont en effet les symboles de la superbe masculine seule habilitée à les arborer.
La dimension phallique de l’escopette ou de l’Avtomat Kalachnikova modèle 1947 (dit plus prosaïquement Kalachnikov, du nom de son créateur) n’étant plus à démontrer tant les études sur la chose sont nombreuses, il est simplement à noter combien elle bénéficiera à la ceinture à compartiments pour développer son acception de contenant primal.
La dialectique du maître et de l’esclave
Car sans fusil à proximité les cartouchières ne sont d’aucune utilité, pas même décorative. Pour autant l’arme à feu leur doit tout, sa portée n’étant que symbolique si elle ne peut décharger leur contenu pour faire montre de sa puissance. Cette dialectique que Hegel avait initialement prévue d’exposer dans La Phénoménologie de l’Esprit (qui deviendra celle du maître et de l’esclave pour d’évidentes raisons de bienséance, mais ceci est une autre histoire) est la clef de l’expression avoir les cartouchières plus longues que le fusil et de sa portée philosophique.
L’homme qui a les cartouchières plus longues que le fusil est-il toujours un homme ? Le fusil ainsi soumis est-il encore prêt à faire feu ? Est-on bien, là, à la fraîche, décontracté du gland quand on a les cartouchières plus longues que le fusil ?
Autant d’interrogations ontologiques qui vont faire le succès d’avoir les cartouchières plus longues que le fusil pendant des années où « faire des étincelles avec sa bite »¹ est la norme virile.
La passion pour les grosses voitures aura raison des cartouchières et du fusil.
En permettant l’émergence d’une comparaison dépréciative entre la taille de Popaul et celle du véhicule², le langage moderne rendra avoir les cartouchières plus longues que le fusil totalement incompréhensible et brouillera l’écoute de la jeune génération.
L’expression déposera les armes³ et, bras ballants, s’enfoncera dans le douillet oubli des temps gouailleurs désormais surannés.