Aller à la pêche au mégot [alɛʁ‿a la pɛʃ o meɡo]

Traîner sans but, glander dans la rue ou sur un quai.

personnage vintage et nonchalant dans les rues d'une ville avec une cigarette à la bouche

Fig. A. Pêcheur au mégot.

[alɛʁ‿a la pɛʃ o meɡo] (loc. cigar. GLAND.)

Expression d’un autre âge pour désigner l’art de traîner ses savates sans objectif clair ni réel enthousiasme tout en prétendant que l’on s’affaire, aller à la pêche au mégot n’est pas tout à fait glander, mais pas non plus œuvrer à la grandeur de la nation.

Une posture intermédiaire, molle et désœuvrée, typique de l’adolescent en perdition, du chômeur philosophe ou du flâneur patenté. Un oblomovisme à cibiche en quelque sorte.

Le trottoir comme horizon

Aller à la pêche au mégot ne suppose ni canne à pêche ni rivière poissonneuse. L’étang en question est un trottoir de faubourg, la ligne un regard fureteur, et le butin… un reste de cigarette encore fumable, un reliquat de clopot ramassé.

Car c’est bien de ça qu’il s’agit à l’origine : les temps de disette, de clope trop chère, ou de fin de mois étirée au papier journal. Les anciens, en quête de quelques bouffées de nicotine supplémentaires, arpentaient les abords de la gare ou du PMU, les yeux rivés au sol, traquant la relique pas totalement écrasée laissée par un plus nanti ou moins consciencieux.

Mais l’image a dépassé le geste.

Très vite, aller à la pêche au mégot devient la métaphore parfaite de celui qui tue le temps sans avoir le courage de l’achever vraiment. Il marche sans but, fait semblant de chercher quelque chose, esquive les regards et les responsabilités. Il est là sans y être. Il flotte.

L’inactivité en mouvement

Celui qui va à la pêche au mégot se distingue par son pas lent, hésitant, ses mains dans les poches et son regard préoccupé par une fissure du trottoir ou une tache sur la vitre du coiffeur. Il a peut-être une idée, une envie, une mission même… mais rien d’urgent. Rien de précis. Il tergiverse en souliers usés.

C’est un promeneur de bitume, un ami du vide, un poète de l’inaction. Il regarde passer les bus sans y monter, lit en diagonale les affiches de cinéma déjà périmées, soupire souvent sans raison.

On le croisera autour des lycées où l’étudiant baye aux corneilles, dans les rues où le commerce est en friche, sur les quais fréquentés par des amoureux qui ne regardent qu’eux ou des éconduits que personne ne regarde. Il tourne. Il attend. Il pense. Il fait semblant. Il pêche. Et s’il trouve un mégot c’est le bingo !

La pêche au mégot est un art perdu. Il nécessitait du flair, un peu d’endurance, beaucoup de désœuvrement, et l’espoir secret qu’un Graal de tabac patiente sur un bout de trottoir. Le moderne pressé n’a pas que ça à foutre !

Laisser un commentaire