À Pâques ou à la Trinité [a pɑk‿u‿a la tʁinitɛ]

Fig. A. Lapin prêt à s’y mettre.

[a pɑk‿u‿a la tʁinitɛ] (loc. temp. SIN. DI.)

E xpression calendaire de la procrastination éternelle, du délai sans fin, du rapport sine die qui dit poliment qu’on n’y est pas, qu’on n’y sera sans doute jamais, et qu’en tout état de cause, ce ne sera pas demain la veille.

À Pâques ou à la Trinité , c’est l’art de promettre sans agenda, de fixer une échéance aussi floue qu’un programme électoral, de dire qu’on le fera, un jour, peut-être, si Dieu le veut… et encore, s’il n’a pas piscine ce jour là.

Du religieux dans la flemme

Si l’expression convoque les fêtes chrétiennes que sont Pâques (fête de la résurrection) et la Trinité (fête mobile, dépendant de la première et tombant environ sept semaines plus tard), c’est que le suranné a toujours aimé déguiser sa flemme en messes basses. Il y a du curé là-dedans, du latin, du missel poussiéreux. Il y a surtout l’élégance de ne pas dire « jamais » tout en pensant très fort que ce le sera.

Celui qui promet une action à Pâques ou à la Trinité est un habile. Il le proclame droit dans les yeux, hoche la tête avec componction, et pose une échéance telle qu’il ne sera jamais en retard. Il aurait pu dire aux calendes grecques, mais il a préféré garder les pieds dans la tradition romaine.

Dans la bouche du mauvais payeur, c’est la promesse d’un remboursement hypothétique. Dans celle de l’amoureux tiède, l’annonce d’un rendez-vous qui n’aura pas lieu. Et chez l’adolescent procrastinateur, c’est la date prévue pour ranger sa chambre ou apprendre ses déclinaisons latines.

C’est à Pâques ou à la Trinité qu’on se lancera dans toutes ces tâches repoussées depuis des lustres, corvées, obligations de faire, pensum et autres pénibilités : visite aux ancêtres, reprise de l’activité physique, grand nettoyage de printemps.

Le moderne a posé des jours de RTT et fait le pont. Il ne peut plus équilibrer à Pâques ou à la Trinité . Il dit « dès que j’ai deux minutes », « je reviens vers vous », « on se call ». « On se SMS »… Il a viré de son calendrier les saints auxquels il ne croit guère (sauf s’ils lui procurent des jours fériés, mais ceci est une autre histoire).

Mais il n’a pas changé pour autant : il n’est pas plus pressé qu’un moine en sandales.

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