Catégorie : Faits divers

Folâtrer [fɔlɑtʁe]

Fig. A. Eau forte : « folâtrer ».

[fɔlɑtʁe] (verb. LÉG.)

Dans une époque pétrie de rentabilité, d’efficience et de rendement, folâtrer est devenu suranné en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, même en insistant longuement sur son â accentué… C’est dire.

Coupable est désormais celui qui s’en ira batifoler dans les herbes ou qui simplement prendra le temps de humer ce parfum de gazon que l’on tond au printemps. Vilipendé sois-tu si par hasard tu avais pris un moment pour t’asseoir sur un banc et regarder les enfants s’inventer un monde qu’il n’auront pas le courage de bâtir une fois devenus grands. On ne folâtre plus camarade d’ici bas. Garde ce verbe pour tes lectures si tu en as encore, oublie-le il est d’un autre temps.

Hôtel de la Plage [otɛl də la plaʒ]

Fig. A. L’hôtel de la plage.

[otɛl də la plaʒ] (lieu. HÔT.)

Où qu’il se cache ou se pavane, sur quelque côte que ce soit, fouetté par les embruns ou caressé par le soleil, l’Hôtel de la Plage est là, majestueux, sage, doux, amical et accueillant. Tant de belles choses depuis tant de générations se sont jouées sous ses fenêtres qu’il pourrait nous en parler pendant des heures de ces rencontres, de ces regards, de ces premières fois; mais il se contente de nous cajoler avec bienveillance du haut de son enseigne peinte qui n’a pas dû bouger depuis cent ans. L’Hôtel de la Plage est le lieu de vacances le plus suranné qui soit avec ses escaliers en bois ciré, ses portes lourdes qui grincent un peu, ses armoires normandes, ses édredons… Je n’y vais plus depuis longtemps.

J’y reviendrai.

Péronnelle [pɛʁɔnɛl]

Fig. A. Péronnelle baguenaudant.

[pɛʁɔnɛl] (fem. CON.)

La péronnelle aime à pérorer. C’est un fait. Et plus la péronnelle pérore plus elle devient décor. La péronnelle picore, elle va de ci de là minauder quelques idées banales dont elle aimerait nous faire croire qu’elles ne sont pas si niaises. Mais las, la péronnelle nous lasse avec ses fadaises qui n’ont même pas l’ultime vertu de la mettre mal à l’aise.

Notons que la langue surannée a toujours le délicieux égard de traiter la gent féminine avec des mots révérencieux. Pour un homme, péronnelle se dit « importun ». Voire « con ».

 

Faire le zouave [fɛʁ lə zwav]

Faire le zouave

Fig. Z. Infanterie française et ses Zouaves.

[fɛʁ lə zwav] (bêti. ALMA.)

Il y avait de l’affection, j’en suis certain, quand mon père me tançait d’arrêter de faire le zouave.

Ce protagoniste là (je parle de moi) n’avait alors pas grand-chose de nuisible, il faut bien le reconnaître, sans son uniforme singulier à la culotte rouge si reconnaissable et son fusil à baïonnette. Et puis les dégâts que je pouvais commettre étaient tout de même bien loin de ceux d’un régiment de biffins du Second Empire.

Sustenter [systɑ̃te]

Sustenter : un verbe rabelaisien

Fig. A. Gargantua se sustentant.

[systɑ̃te] (verb. prem. gr. TAB.)

S‘il est de ces mots nobles boutés hors du langage commun par quelque esprit grivois se prétendant moderne, sustenter en est le héraut.

Thermopyles [_tɛʁmɔpil_]

Fig. A. Léonidas.

[_tɛʁmɔpil_] (Léonid. HIST.)
Il peut paraître un tantinet pédant, je le concède.

Mais l’élégant Thermopyles contient tant de cours d’histoire, de grec et de superbe que je ne peux m’empêcher de le trouver suranné.

Il avait resurgi dans ma vie sans crier gare, au coin d’une rue du XIVᵉ qu’il dénommait comme je vivais alors dans ses parages. Passé le temps de la surprise et, il faut bien l’admettre, celui concomitant d’une plongée dans l’Encyclopædia Universalis (les Internets n’existaient pas en ces temps reculés), Thermopyles avait réintégré mon bréviaire personnel, me permettant de temps à autre une sortie remarquée dans les dîners en ville (le tout étant de le placer au bon moment sinon ça se voit et on passe pour un snob mais ceci est une autre histoire).

Quel plaisir de le manier, d’estourbir le rival à coups de h et de y qu’il ne saura placer. Thermopyles est un suranné pour frimeur, j’en conviens, mais c’est un suranné quand même. Avec un Thermopyles bien balancé on récolte l’aura spartiate d’un Léonidas. Sauf si elle pense qu’il s’agit là de chocolats…

Allô ? [alo]

Fig. A. Allô ?

[alo] (interr. TEL.)

Comment ? Quoi ?! Mais que raconte-t-il ?

Oh je vous vois vous pâmer parce que j’ai bien voulu titrer allô et ainsi l’accepter dans le doux monde des mots délicieusement surannés. Je vous entends vous indigner, persifler, me traiter de fou, d’inconscient, de fossoyeur des grands classiques.

Attache-parisienne [_ataʃpaʁizjɛn_]

Fig. A. Agite les bras du marin.

[_ataʃpaʁizjɛn_] (n. comp. BRICOL.)

Accessoire central de mes premiers bricolages d’enfance, cible des tout-aussi-premiers maugréements liés à quelques ratages de l’activité en question, puis remplacement progressif par le clou la vis ou le boulon, l’attache-parisienne a tout pour être surannée.

Quelques grammes de laiton souple pour bâtir un monde de super robots à tête et membres mobiles, pour créer mes premières montres, pour faire tourner les roues de mes premières voitures de carton…

L’attache-parisienne explique tout, elle est le nœud de Freud ou de Lacan, l’élément central de toutes les névroses à venir ! Une mine d’or pour psy ! D’accord je m’emballe peut-être un peu mais l’attache-parisienne c’était un truc super en tout cas. Je ne m’explique toujours pas sa dénomination étrange mais je m’en fiche. On a créé ensemble et c’est bien là l’essentiel.

Billevesée [bilvəze]

Fig. A. Ahahahaha !

[bilvəze] (n. fém. BLA-BL.)

Halte-là mon ami, si tu prétends aujourd’hui user de ce mot, tu es soit un menteur soit un fâcheux hurluberlu. Qui a ouï prononcer billevesée? Personne, nous sommes d’accord.

Bien que les idées creuses n’aient aucunement disparu en notre époque moderne, on peut même dire qu’elles y trouvent un terrain de prédilection, le mot qui les décrit le mieux s’est pour sa part quasiment éteint, rejoignant les zones troubles de ses frères surannés au fond des dictionnaires.

N’est-ce pas là bien étrange destin ?

Alors qu’il se prêterait au mieux à décrire la plus grande partie des propos de nos contemporains et notamment de ceux qui ont fait de l’émission d’avis une profession, voilà donc que ce terme inexiste. Oui, inexiste. Il a dû être occis par quelque consultant en bonne parole ou expert en expertise, je ne vois pas d’autre issue.

Billevesée, renais ici de tes cendres, on a besoin de toi.