
Fig. A. À Pigalle on n’est jamais contre un tour de moulin.
[nə pa ɛtʁ kɔ̃tʁ‿œ̃ tuʁ də mulɛ̃] (métaph. BAGAT.)
Expression gracieusement suggestive pour désigner un tempérament primesautier, un consentement joyeux à la chose galante, un entrain certain à tournoyer sous la couette sans avoir besoin de se faire prier. Ne pas être contre un tour de moulin, c’est ne pas fuir quand le vent se lève, surtout s’il est du sud.
Celui ou celle à qui s’applique cette formule n’est pas un libertin à jabot ouvert ni une courtisane de roman-feuilleton, non. C’est simplement un être qui, lorsqu’on lui propose un petit tour – au sens charnel du terme – ne répond pas par un « fi donc ! » offensé, mais par un haussement d’épaules amusé, un œil qui pétille, et parfois même un « pourquoi pas, c’est dimanche ».
Le moulin, ici, n’est pas celui qui moud la farine ni même celui de Daudet dans les Lettres du même nom. Certains coquins prétendent qu’il serait plutôt rouge et tournerait du côté de Pigalle, ce qui justifierait bien des choses, mais l’origine est incertaine.
C’est, quoi qu’il en soit, une mécanique imagée, un brin rotative, évoquant aussi bien les tourbillons du désir que les mouvements cadencés d’un échange horizontal bien mené. C’est l’idée du plaisir en mouvement, des corps qui tournent comme les ailes de Montmartre par grand vent. Il y a du tourbillon cosaque ou l’ouvre-boîte à manivelle san-antoniesque dans ce petit tour au petit jour entre tes draps (lalalalala lalalala, etc.).
On pourra aussi y voir une métaphore rurale et gracieuse, un clin d’œil appuyé à la nature même du désir qui revient par rafales. L’expression porte en elle toute la franchise souriante des campagnes : sans chichis, sans honte, et avec le sourire en coin de l’entremetteur qui sait bien de quoi il retourne.
Sans vulgarité mais pas sans sous-entendu
Ne pas être contre un tour de moulin s’emploiera volontiers pour désigner une personne avenante, peu rétive à l’appel de la chair, ouverte aux élans du moment.
Sans vulgarité mais pas sans sous-entendu, la formule installe aussitôt une atmosphère complice. C’est l’aphorisme des faubourgs, la rumeur des guinguettes, le sous-texte des chansonniers, le non-dit du ciné en noir et blanc avec des midinettes qui rougissent.
Las, le moulin moderne ne tourne plus. Pas assez productif, pas assez rentable. Il possède sa journée européenne, histoire de se remémorer qu’il fut et qu’il tourna. Quelque géant aux bras immenses a bien tenté de le remplacer mais le cœur n’y est plus. Quel égrillard se dirait ne pas être contre un tour d’éolienne ?