À fond les ballons [ a fɔ̃ le balɔ̃]

Expression de propulsion désuète, utilisée jadis pour signaler l’atteinte de vitesses folles, d’intensités rares ou de décisions irréfléchies mais joyeusement assumées

Fig. A. 100 km/h sur une nationale.

[ a fɔ̃ le balɔ̃] (VIT. VIE.)

Il fut un temps où vitesse maximale et enthousiasme débordant étaient loués, la retenue n’étant pas alors une caractéristique enviable si ce n’est pour celui qui envisageait une carrière dans les ordres.

Comme il leur fallait des mots pour exister, ces instants où l’on roulait à 100 km/h sur une nationale avec du Lynyrd Skynyrd dans l’autoradio, où l’on fonçait sans casque sur une mobylette bleue, où l’on dansait toute la nuit dans une discothèque enfumée, s’étaient trouvé à fond les ballons comme expression, sans que l’on sache exactement comment le référentiel bondissant (comme on dirait plus tard, mais ceci est une autre histoire) avait débarqué ici.

Cette locution jubilatoire des décennies fluo sentait l’asphalte, le Walkman à la ceinture, le Brut 33 et le Malibu orange. Un cri d’enthousiasme juvénile pour les départs en vacances, les descentes en luge, les tours de manège et le quart d’heure américain qui rendait tout possible. Quand l’excès n’était pas encore un gros mot, la vitesse une incartade, et la retenue une gêne sociale, le paroissien y allait à fond les ballons, soit un peu plus qu’à plein régime ou qu’en faisant diligence.

C’était balancé avec assurance, un sourire en coin, et cette inconscience fière de ceux qui ignorent les précautions, la consommation avec modération et les freins à disque. Bien entendu, y aller à fond les ballons ne s’avérait pas sans risque de bosses ou de plus gros dégâts, et l’on pleure encore parfois des risque-tout et des va-tout-droit trop exaltés.

Bien gonflés qu’ils étaient, les ballons étaient pleins de promesses, d’horizons improbables. Et on les atteindrait sans pause pipi ni GPS.

Nul ne sait lequel a freiné le premier dans la descente habituelle du terrain vague. Ni pourquoi. Un futur champion du principe de précaution ? Jean-Marc qui y avait déjà laissé deux dents ? Un fumeur de Gitanes qui venait de comprendre l’état de ses poumons ? Ce frileux de Francis qui avait pour consigne de ne pas salir son nouveau pantalon sous peine d’être privé de dessert ?

À fond les ballons s’est mis à manquer d’air; on venait juste d’entrer dans l’ère moderne. Pondération et retenue étaient les nouvelles muses. On boirait désormais avec modération car l’alcool est dangereux pour la santé, on éviterait les rayons du soleil entre midi et seize heures, on remplacerait le beurre par de la margarine.

En un mot (suranné lui aussi) on irait désormais mollo.

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