Être un beau canon Krupp [ètr û bo kanô krup]

Fig. Croupe de Vénus sortant du bain, essuyée par Amour.

[ètr û bo kanô krup] (loc. admir. BEAU.)
Ami djeuns’ admiratif de la plastique affriolante d’une muse callipyge exposant ses atours et atouts en des photographies numériques à l’ambiance travaillée, tu n’as pas inventé le laudatif « canon ».

Cette exclamation que tu produis en bavant, jeune lecteur du troisième millénaire, c’est à tes arrière-arrière-grands-pères que tu la dois, quand ces derniers montaient à la riflette pour défendre cette liberté qui te permet désormais toute expression (y compris la plus moderne et iconoclaste, mais ceci est une autre histoire).

Wesh trop canon la meuf !

En référence à leur environnement guerrier et plus précisément à l’artillerie ennemie qui ne faisait rien que leur balancer des obus pesant jusqu’à quatre-vingt-quatorze kilogrammes sur la tête depuis 1870, ces braves hommes décrivaient les femmes aux hanches généreuses dont ils rêvaient au fond de leur tranchée, comme étant un beau canon Krupp. Il est plus que probable que la consonance en croupe de Krupp – et vice versa – soit une des clefs de la création de l’expression par les troupes françaises.

Les différents conflits armés qui opposeront la France à son envahissant voisin d’Outre-Rhin feront la fortune de la famille Krupp, grande productrice de canons dont la réputation esthétique se fera à l’aune du nombre d’âme envoyées ad patres et finira par installer être un beau canon Krupp dans la langue des bombardés.

Malgré son nihilisme ou grâce à son ironie teintée d’admiration, nous ne saurions le dire, être un beau canon Krupp va faire florès et quitter le front lorsque la paix reviendra, accompagnant les hommes de retour dans leur pénates. Là, retrouvant leur promise (ou pas, selon les cas) ils transmettront être un beau canon Krupp comme l’expression du ravissement que procure la vue d’une femme à leur goût.

Fig. B. Marcelle Guillot, reine de beauté 1914.

Le ralliement de Krupp à l’idéologie mortifère du Furieux lui vaudra un procès pour crimes de guerre (The United States of America vs. Alfried Krupp) qui aura pour conséquence de transformer être un beau canon Krupp en être un beau canon, puis être canon (en sus d’une condamnation à 12 ans de prison pour Alfried). Il est en effet impensable de confier à un barbare l’emballement des sens pour cause de joliesse constatée.

À noter qu’être canon se mettra peu à peu à concerner aussi l’harmonie masculine et se verra donc utilisée sans connotation de genre, puis dérivera les temps modernes venus vers toute forme d’appréciation, une œuvre musicale pouvant être canon, tout comme une tarte à la framboise ou un coucher de soleil sur la Méditerranée (avec palmiers en premier plan).

Être beau comme un canon Krupp est désormais surannée, certes, mais le canon moderne lui doit beaucoup.

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