Catégorie : Faits divers

Silence [silɑ̃s]

Fig. A. « … »

[silɑ̃s] (n. com. CHUT.)

Le silence n’aurait-il donc plus aucune valeur ? Son utilisation semble devenue surannée à tel point qu’il s’approche souvent de l’outrage.

Le temps présent est à l’émission, à la parole, au flux, au flot au permanent. Le silence incommode s’il se place au milieu de tout ça. Se taire plus de deux secondes est désormais signe de désintérêt ou de mépris dans la conversation, d’inaptitude sociale; prendre le temps d’un silence ne peut être celui d’une contemplation, du soleil qui se couche, de l’être aimé, d’une toile de maître, d’un petit rien.

Non ! Haro sur le silence. Comble, comble, vite ! Parle-moi, dis-moi quelque chose, que je n’aie pas à me taire en retour ! Un silence et je tombe dans le vide.

Des fois j’aime bien me taire, j’entends battre mon cœur.

Maréchaussée [maʁeʃose]

Figure. F. Contrrrôle du véhicule. Archives Gendarmerie Nationale.

[maʁeʃose] (n. com. POL.)

GIGN, RAID, CRS, GIPN, BRI, les acronymes du XXᵉ siècle ont rendu la Maréchaussée des plus surannées.

Et c’est bien dommage.

Désormais l’appellation vaut grand uniforme et moustache recourbée, couvre-chef à plume et arquebuse, plus qu’il n’en faut pour appeler à sourire et à un conséquent manque d’autorité. Manquerait plus qu’un roulement de « rrrrrr » et le compte est bon. Enquiquinant vous en conviendrez en cas d’interpellation de contrevenant sur la voie publique.

Maréchaussée est tombée au champ d’honneur de la bataille que la langue française mène avec les réalités de son époque, par exemple celle où l’exercice de la force publique est devenu avant tout celui de la force létale.

Le temps n’est plus aux circonvolutions, à la négociation voire à l’arrangement. Efficacité ne rime pas avec Maréchaussée la surannée.

Jocrisse [ʒɔkʁis]

Fig. A. Raoul Volfoni, « Les tontons flingueurs ».

[ʒɔkʁis] (insul. RAOU.)

Le présent dilemme qui se pose à nous est celui du positionnement du curseur entre naïveté et bêtise assumée voire perversion de jocrisse; car qui pourrait contester qu’il est bien entendu totalement suranné, la dernière personne l’ayant employé se trouvant être le Capitaine Haddock¹ (Les aventures de Tintin : Coke en stock, Hergé, 1958).

Je vous saurais gré de bien vouloir… [ʒə vu sɔʁɛ ɡʁe də bjɛ̃ vulwaːʁ…]

Fig. L. Je vous saurais gré de bien vouloir et cætera.

[ʒə vu sɔʁɛ ɡʁe də bjɛ̃ vulwaːʁ…] (conjug. LOC.)

Est-ce l’emploi complexe de la formule ou plutôt l’absence décomplexée de toute forme de gratitude ou de reconnaissance qui l’auront rendue surannée ? Je ne saurais vous dire, mais force est de constater que savoir gré tombe rarement au bon endroit au bon moment. Certains maladroits « sont gré » et abîment un peu plus la vieille locution qui ne peut hélas pas se rebiffer, maudit sois-tu conditionnel qui fait se confondre savoir et être. Je vous saurais, je vous serais, après tout, être ou savoir qu’importe, on n’est plus à ça près. Mais je suis trop exigeant, je sais.

Casser sa pipe [kase sa pip]

casser sa pipe

Fig. S. Ceci n’est pas la faucheuse.

[kase sa pip] (exp. fam. MOUR.)

Oh rassurez-vous, si je puis dire, la faucheuse n’a pas démissionné, loin de là. Mais son expression a bien changé elle. On ne casse désormais plus sa pipe, on décède, on s’en va, on est emporté par une longue maladie, tout juste meurt-on dans certains cas les plus vils. La formule avait pourtant de l’image, un peu confuse soit, mais elle était poétique. Elle nous parlait du grand-père assis dans son fauteuil en cuir, du feu de cheminée et des histoires d’il y a bien longtemps qu’il nous racontait. Le parfum de son Amsterdamer ou de son Butterfly que j’aimais bien renifler en cachette, sa collection de pipes aux formes toutes différentes, ses petits rituels lents et maîtrisés… tant de moments délicieux. Tout ça aurait donc une fin.

Vieille baderne [vjɛj badɛʁn]

Vieille baderne

Fig. A. Vieille baderne.

[vjɛj badɛʁn] (exp. SURAN.)

Aujourd’hui nous ferons dans le meta-suranné. Oui, dans le suranné suranné.

Tout simplement parce que vieille baderne signifie suranné et que vieille baderne est surannée.

Train de nuit [tʁɛ̃ də nɥi]

Fig. J. Train de nuit. Musée SNCF.

[tʁɛ̃ də nɥi] (SNCF)
Mais bien sûr que le train de nuit est suranné. La preuve est qu’il n’existe plus, ou presque.

La grande vitesse l’a remisé au fond de la gare d’Austerlitz, et encore.

Fini les voyages au long cours avec des provisions pour un repas et un petit déjeuner, les couvertures qui grattent et les voisins qui ronflent plus fort que le tactac tatoum.

Fini les clopes fumés dans le couloir, la fenêtre ouverte même si é pericoloso sporgersi.

Fini les longs dialogues avec une inconnue parce qu’on a le temps de se parler puisqu’on en a pour 15 heures. Et ces trrrrrrois minutes d’arrêt à Brive-la-Gaillarrrrde, je les adorais, au petit matin. Je veux aller lentement, je veux mon train de nuit.