
Fig. A. Timbré peu collant.
[ʒwe le miʒoʁe] (LOC. P&T. CON.)
Quiconque a un jour confié une missive d’amour ou de contestation des taxes et impôts aux P&T sait que tous les timbres n’adhèrent pas à l’enveloppe avec la même facilité; que certains se décollent malgré un coup de langue expert¹ quand d’autres devront recevoir une bonne dose de vapeur avant de se détacher et rejoindre leurs compères de collection.
Il en est de même dans le grand bureau de poste de la vie : certains manquent d’adhérence aux idées et autres choses de la pensée.
Ne pas être le timbre le plus collant du carnet est une métaphore postale créée pour eux, pour afficher cette adhésion aléatoire à l’entendement, cette propension à se décoller des réalités les plus évidentes. Le philatéliste possède cette ironie cachée sous sa veste élimée et ce sont son sens aigu de l’observation, son souci du détail qui fait la valeur du rectangle de papier, qui lui ont permis de produire l’expression.
L’innocent peut s’avérer charmant et le godichon pas si con
À l’instar du timbre mal collé qui risque de faire se perdre en route le courrier pourtant bien parti, le niquedouille peut voir ses pensées s’égarer, et ses divagations s’apparenteront alors à celles de l’enveloppe qui parcourra le monde en tous sens pendant des années avant, peut-être, d’arriver surtaxée (pour le destinataire). Cependant, tout comme un timbre défectueux peut trouver sa place dans une collection d’erreurs précieuses, ces esprits moins collants apportent parfois une touche d’originalité involontaire au quotidien. L’innocent peut s’avérer charmant et le godichon pas si con.
Avec un bureau de poste dans chaque village de France, des boîtes aux lettres au moindre carrefour et des facteurs à la casquette altière, ne pas être le timbre le plus collant du carnet semblait bâtie pour régner des siècles sur les gourdiflots du pays.
Las, c’était sans compter sur l’électronisation de la correspondance, ses bits émettrices n’ayant que faire d’un timbre pour s’envoyer en l’air et en données codées joindre quelque lointain destinataire. Le moderne qui n’a jamais sorti sa langue salivante pour encoller un timbre ne sait que faire de ne pas être le timbre le plus collant du carnet. Et ses emails ou SMS n’ont pas trouvé d’équivalent pour évoquer niaiserie et balourdise.
Adieu papier, plume, enveloppe au rabat tranchant (mais ceci est une autre histoire) et timbre mal collant, vous êtes tous d’antan.
