Rivancher en prose [ʁi.vɑ~.ʃe ɑ̃ pʁoz]

Rivancher la prose

Fig. A. « J’vais t’rivancher en prose », chanson paillarde, 1874.

[ʁi.vɑ~.ʃe ɑ̃ pʁoz] (X. SODO.)

Rivancher : rendre une revanche, accorder à autrui l’occasion de prendre sa revanche ou, plus finement, accorder à soi-même la satisfaction d’une revanche méritée, dans un geste mêlant panache, courtoisie et fierté blessée. À distinguer de « se venger », brutal et personnel, rivancher est chevaleresque et équitable.

Enfin ça, c’était avant que la langue gouailleuse qu’on jacte au-delà des fortifs ne s’en mêle. Si rivancher avait jadis roulé sa noblesse dans les duels de gentilshommes, c’est qu’il n’avait pas encore croisé le pavé parisien et ses jaseurs en goguette. Dans la langue verte des faubourgs et des zincs, rivancher, c’est remettre ça pour l’honneur ou pour la forme, mais sans se prendre pour un marquis. Tu perds un bras de fer à la buvette ? Tu demandes à être rivanché, histoire de sauver la face devant les loufiats. C’est plus une histoire de fierté de titi que de code de la chevalerie.

En synonymes façon troquet ça donne remettre le couvert, rejouer l’affaire, refaire la passe, rabibocher la torgnole. Et c’est là que ça dérape. On aborde le libidineux.

Rivancher en prose quitte les sentiers de l’honneur et des duels de plume pour glisser, subtilement mais sûrement, dans les ruelles moins éclairées de l’argot charnel. Un mot qui avait des airs d’épée effilée se révèle, dans l’ombre du verbe, comme une métaphore lestée. Et l’expression ne fait pas tant que ça dans la poésie.

Dans certaines bouches bien pendues – et dans les arrière-salles plus que dans les salons – rivancher en prose c’est reprendre l’avantage par-derrière, dans un sens aussi physique que symbolique. La revanche, ici, est charnelle. L’acte, une sodomie consentie ou imposée comme triomphe ou domination, glissée dans les marges du langage.

Pas de violence, pas de brutalité dans sa version olé-olé : juste une tournure triviale pour une posture explicite, souvent jetée à la cantonade sous forme de une menace lubricotactique ou de raillerie gauloise. De quoi faire une chanson.

« J’vais t’rivancher en prose »

(air libre, grivois de préférence)

Couplet 1
Au bistrot du coin d’la ruelle,
Jojo m’a fauché ma pucelle,
Il m’a dit : « C’est l’jeu, faut l’prendre gaiement… »
Mais moi j’l’ai pris dans l’sentiment.

Refrain
J’vais t’rivancher, mon p’tit salaud,
Par l’arrière-train, pas par les mots.
T’avais gagné, d’accord, c’est vrai…
Mais c’est mon tour… de jouer l’traité.

Couplet 2
J’l’ai r’trouvé un soir, bien éméché,
Le fessier tendre et l’air fâché,
J’lui ai soufflé, voix d’matador :
« J’viens pour l’honneur… et pis pour l’reste encore. »

Refrain
J’vais t’rivancher, comme un luron,
T’en souviendras, jusqu’à Mâcon.
Pas d’coup d’poing, pas d’gnon sur l’nez,
Mais d’la revanche… bien ajustée.

Couplet 3
Depuis, Jojo marche en canard,
Mais respecte plus mes billards.
Y dit qu’la fessée du vainqueur,
C’est pas d’la haine… c’est d’la chaleur.

Refrain final (fortissimo)
J’l’ai bien rivanché, le lascar,
Avec tendresse, mais sans fard.
Y dit qu’au fond, dans c’bas quartier…
Y s’rait ravi… d’rivancher l’été.

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