Locution qui sent bon les remèdes de grand-mère à base de gnôle et les croyances approximatives
Fig. A. Bête attaquant un enfant.
[ʁəpʁɑ̃dʁ dy pwal dø la bɛt] (LOC. MALAD.)
En ces temps jadis où l’on soignait le mal par lui-même et où l’on ne s’écoutait guère en cas de bobo (même pour une coupure de la langue après avoir léché une enveloppe, c’est dire), régnait la rumeur qu’il suffisait, pour guérir d’une morsure de bestiole agressive, d’en garder un poil.
L’idée était simple, un brin superstitieuse, mais trouva son expression dans reprendre du poil de la bête.
Que l’on puisse se remettre d’un coup de dent de Kiki, le chihuahua de Madame Musquin, en lui arrachant un poil du toupet est envisageable. Que l’on reparte tout guilleret après une prise de bec avec la Bête du Gévaudan est moins probable, même en lui prélevant une bonne touffe de fourrure.
Certes une bonne centaine de personnes survécurent aux crocs de l’affamée du Languedoc, mais l’esquive des complications fut plus souvent le résultat d’une bonne aptitude à la course ou de l’usage d’une arquebuse que de l’épilation du nuisible.
Malgré cette évident excès d’optimisme sur les vertus de l’arrachage de follicule pileux, reprendre du poil de la bête s’épanouit hors du champ de la baston avec les loups pour désigner le moment fragile et glorieux où l’on se redresse après quelques jours de gripette ou une gastro des familles.
Cet instant où les joues sont moins pâles, le regard moins flou, et l’âme vaguement bravache n’est pas une victoire éclatante mais plutôt un réarmement discret, une façon de reprendre pied dans la vie quotidienne avec l’élégance fatiguée d’un vieux soldat. Reprendre du poil de la bête, c’est dire qu’on n’a pas été vaincu, qu’il y aura des lendemains.
Et si le moderne voulait tendre l’oreille, au creux de cette expression râpeuse, il entendrait encore souffler le vent du Gévaudan transportant avec lui cette vieille idée que tout mal porte en lui, peut-être, sa propre guérison.