
Fig. A. Casserole sur le feu.
[pase a la kasəʁɔl] (CUIS. SEX.)
À l’heure des appariements consentis par d’étranges intermédiaires électroniques aux noms abscons, des émois codifiés en emoji, des galipettes calibrées à l’algorithme, il est bien normal de considérer avec suspicion cette expression qui vient d’un temps où les choses de la chair s’énonçaient avec panache — et, disons-le, une certaine audace culinaire : passer à la casserole.
Passer à la casserole c’est du olé-olé en plus de l’ultime étape d’un ragoût amoureux.
L’expression sent bon la cuisine familiale et le stupre conjugal, la flamme du fourneau et celle du désir mêlées en un même feu. Elle évoque, dans une pudeur toute suggestive, le moment où l’on cesse les œillades pour s’atteler à l’œuvre, pour se mettre au fourneau que l’on soit maître queux ou simple amateur de bonne chère. Et ce, non seulement dans le plus simple appareil mais surtout avec un ustensile modeste, quotidien et pratique¹ : une casserole. Feu vif pour les fougueux, feu doux pour les passionnés. Dans cette casserole cuisent et mijotent tous les fantasmes.
L’origine serait militaire : on disait des jeunes troufions qu’ils passaient à la casserole quand ils perdaient leur virginité, généralement de manière peu romantique, au fameux bordel militaire de campagne, tout nus dans leur serviette qui leur servait de pagne, le rouge au front et le savon à la main, avec un adjudant qui hurle : au suivant, au suivant² ! Un BMC tout autant organisé que la popotte, ce qui justifie bien une expression à base de ces deux univers primordiaux pour que l’homme envisage d’aller à la riflette sans maugréer (autrement dit l’estomac plein et les couilles vides, mais ceci est une autre histoire).
C’est l’amour en cuisine, ah-ouh cha cha cha
Très vite, l’expression déserte la caserne pour investir les alcôves les plus civiles qui soient. On passe à la casserole à la campagne ou dans le plus bourgeois des quartiers. On y passe avec madame la marquise, on y repasse avec la crémière, on y laisse parfois des plumes voire sa dignité, mais le souvenir est rarement fade.
Et comme la France est un pays où la cuisine règne en messaline, toute aventure charnelle ou galipette fondatrice se voit estampillée passage à la casserole. Qu’importe l’aile ou la cuisse, dans les temps surannés on mitonne l’amour !
Le moderne, lui, n’ose plus faire dans le culinaire. Quand il est sur le point de conclure il préfère check son body count, il va pécho ou ken. Autant dire qu’il mange froid.