Catégorie : Sports

T’occupe pas de la marque du vélo [tòkyp pa de la marke dy vélo]

Fig. A. Inspecteur des travaux finis montrant comment il fallait faire. Musée du travail.

[tòkyp pa de la marke dy vélo] (loc. verb. CYCL.)

Ne reculant devant rien, le gouailleur qui se la joue suranné va, tel le voleur de poules, fouiner dans toutes sortes de registres, y puisant inspiration et allégorie qui feront le succès de sa langue. Et dans la bicyclette il a trouvé un précieux filon qu’il va filer, filou.

Enfourchons donc la petite reine et allons (avec Paulette) sur les chemins.

Casser une roue de derrière [kasé yn ru de dèrjèr]

Casser une roue de derrière

Fig. A. Roue de derrière permettant l’acquisition d’un Pif Gadget en 1978.

[kasé yn ru de dèrjèr] (verb. prem. gr. ARGEN.)

Ahahahahah me gaussè-je ! Tous les libidineux qui se délectaient à l’avance en ayant lu le titre de cette bien chaste chronique vont s’y casser les dents. Qu’ils ne fassent pas les innocents, je lis dans leurs pensées comme dans un livre ouvert avec une page centrale et son poster qui tient en trois volets. Eh bien les coquins en seront pour leurs frais car pour une fois nous parlerons d’argent.

Pédaler dans la choucroute [pédalé dâ la Sukrut]

Fig. D. Poulbot descendant la rue Lepic.

Fig. D. Poulbot descendant la rue Lepic.

[pédalé dâ la Sukrut] (loc. verb. CYCL.)

C‘est tout de même un comble quand le registre sportif dont il est convenu qu’il n’est pas des plus riches en matière parlée¹, vient au secours de l’exercice cérébral en pleine déconvenue, s’empêtrant dans sa langue, cherchant ses mots, peinant à la démonstration, bref perdant les pédales.

C’est un comble mais c’est une réalité en surannéité.

Vas-y Poupou ! [vaz-i pupu]

Vas-y Poupou

Fig. A. Raymond Poulidor sur sur premier vélo. Prêt mairie de Masbaraud-Mérignat.

[vaz-i pupu] (onomat. CRI.)
Les forçats de la route”, écrit Albert Londres dans un article qu’il rédige au Café de la Gare à Coutances en 1924. Il y interviewe trois coureurs cyclistes¹ stars du peloton qui viennent d’abandonner sur la grande boucle et les mecs balancent tout : la dope, la souffrance, les mesquineries d’un règlement tatillon à outrance… Un papier qui fera date en partie parce qu’il est écrit dans une langue diablement surannée.

Pong [pôɡ]

Fig. 1. Terrain de Pong sur le téléviseur familial. Milieu XXᵉ s. Collec. ATARI.

Fig. 1. Terrain de Pong sur le téléviseur familial. Milieu XXᵉ s. Collec. ATARI.

[pôɡ] (onomat. ELECTR.)
1972, un mois avant Noël. Les surannés datent précisément de ce novembre 72 le basculement de la chose ludique dans l’ère moderne dite du « jeu électronique ».

Jusqu’alors le summum de la sophistication en matière de divertissement avait été atteint par Docteur Maboul (créé par John Spinello en 1965) et son nez rouge qui s’allumait dès l’instant où l’on ratait l’opération de l’os rigolo ou du papilon chatouilleur. Rien de bien plus qu’un circuit électrique fonctionnant sur 9 volts. Mais en ce mois désormais suranné de novembre 1972 surgissait sous nos yeux ébahis une forme inédite, révolutionnaire, futuriste : 

Donkey Kong [dɔ̃kɛ kɔ̃ɡ]

Donkey Kong

Fig. A. Donkey Kong capturant une blonde. 1981.

[dɔ̃kɛ kɔ̃ɡ] (n. pr. GAME.)

D‘aucuns pourraient objecter que Donkey Kong n’est pas trop suranné puisqu’il est né en 1981 et qu’il concerne le jeu électronique (on ne dit pas vidéo en 1981) : eh bien ils auraient tort !

Intervilles [ɛ̃tɛʁvil]

Fig. A. Les arènes de Nîmes, haut lieu des joutes d’Intervilles.

[ɛ̃tɛʁvil] (jeu TV.)
Allez, allez, pas de manières entre nous : tout suranné qui se respecte a regardé Intervilles, voire même s’est bien marré devant les vachettes encouragées par Guy Lux et Léon Zitrone à encorner les fesses de l’autochtone. Ne me racontez pas de blagues ! Je sais que vous avez regardé Intervilles.

Être Fanny [ɛtʁ fani]

Fig. A. Joueurs de pétanque, Marseille.

[ɛtʁ fani] (adj. PETAN.)

Être Fanny c’est se prendre une raclée, une vraie, une de derrière les fagots. Selon qu’elle s’applique à la pétanque, au baby-foot ou à toute autre activité humaine de compétition, le score diffère sauf en un point : le zéro.

Pointé.

Mirmillon [miʁmijɔ̃]

Fig. A. Mirmillon dans l’arène.

[miʁmijɔ̃] (n. m. GLAD.)

N‘y voyez aucun objet de phantasme, n’y projetez aucune connotation sexuelle, n’imaginez pas un instant que je m’identifie¹. Le mirmillon est suranné depuis que le pain et les jeux ont trouvé d’autres terrains d’expression² que celui des arènes où s’entre-tuaient des gladiateurs légendaires dont le mirmillon n’était pas le dernier. Il faut dire que lourdement armé comme il l’était, le mirmillon avait l’éparpillement par petits bouts facile, façon puzzle lui aussi. De quoi se faire remarquer.

Si j’entreprends de vous remémorer l’existence du bonhomme en question ce n’est nullement pour vous fournir un vernis culturel propice à la brillance en société (vous n’avez nul besoin de moi pour ça) mais pour que vous mesuriez à quel point des termes populaires (et croyez-moi, le mirmillon faisait se pâmer la pucelle dans les domus, un peu à l’instar d’un Cristiano Ronaldo aujourd’hui pour vous donner une idée), des termes populaires disais-je,  peuvent disparaître alors qu’on les pensait éternels. Car mirmillon a disparu du langage quotidien ou alors vous avez un sacré problème je vous le dis.

Oui, tout passe, tout lasse. Imaginez un millénaire prochain sans un Paris Hilton³ prononcé ne serait-ce qu’une fois dans l’année, un siècle qui ne parlera pas d’un puissant à la mode aujourd’hui, un temps qui nous aura oubliés toi et moi. Nous aurons rejoint le mirmillon dans les limbes surannés et il faut espérer qu’il se sera calmé car je n’ai pas envie de passer ma postérité à me foutre sur la tronche avec un mec en petit short moulant, un casque sur la tête et un gros couteau dans la main. Et si vous appréciez les films sur les gladiateurs il faudra faire sans moi, je ne m’appelle pas Joey.

¹Ne faites pas les innocents, je vous connais.
²Loto, PMU, paris sportifs, etc.
³Justin Bieber, George Clooney, Mimie Mathy ou qui vous voulez qui soit déjà passé à la télé vers 20 h.

« Joey, tu aimes les films sur les gladiateurs ? » Y-a-t’il un pilote dans l’avion, 1980

100 km/h [100 km/h]

Fig. A. La vitesse folle.

[100 km/h] (nbre. NUM. AUTO.)

Le nombre est lâché, magique, fascinant. 100. L’échelle si folle s’affole. Des kilomètres par heure ! Cent kilomètres par heure, 100 km/h pour les intimes. Une vitesse incroyable ! A l’époque surannée bien entendu.

Oui mes amis, sachez que 100 km/h a su impressionner en son temps. Il fut une référence, un stade quasi ultime, un objectif suprême, un must, une quête, un Graal. Ceux qui les avaient atteints étaient adulés tels les héros antiques, les femmes se jetaient à leurs pieds (nues), les hommes puissants se prosternaient ! Table leur était ouverte à satiété dans les plus grands restaurants et les vins nobles coulaient à flots.

Un temps suranné vous dis-je, aujourd’hui où la moindre Fuego¹ vous propulse bien au-delà sans pour autant vous transformer en admirable. Que voulez-vous, notre époque est blasée, plus encore elle combat l’aventure : pas plus tard qu’hier je me suis fait flasher sur la route, puni par un médiocre 90 km/h à respecter.

Je m’en fiche je continuerai à approcher les 100 km/h, dussé-je passer pour suranné.

¹Oui, ami lecteur, j’admets fort volontiers le caractère intrusif d’une telle référence automobilistique mais c’était pour marquer mon dédain.