Avoir la tête dans le seau [avwaʁ la tɛt dɑ̃ lə so]

Locution très prisée des lendemains d’ivresse et des matins sans filtre

Avoir la tête dans le seau

Fig. A. De retour de bamboche, la tête dans le seau.

[avwaʁ la tɛt dɑ̃ lə so] (BAMBOCH. BEARK.)

Il est des matins triomphants, où celui qui se lève tôt s’étire sous une lumière dorée, prêt à conquérir le monde en sifflotant.

Et puis il y a les autres. Ceux qui succèdent à la fête. Ces lendemains de libations et d’enthousiasmes qui auraient dû demeurer sans lendemain, justement. Ceux où l’on a la tête dans le seau. Littéralement. Symboliquement. Concrètement, parfois.

Ici point de sifflotements guillerets, point de nouvelles frontières à repousser.

Avoir la tête dans le seau ne s’embarrasse pas de métaphores subtiles. Elle dit ce qu’elle veut dire, sans détour ni fioriture : la position penchée vers l’avant, les convulsions discrètes et les remords existentiels. C’est un état. Un aveu. Une perdition.

Avoir la tête dans le seau, c’est le moment après que le corps a dit non, aussi après avoir dit oui – à un verre de trop, puis un autre, puis encore un petit dernier pour la route. Le foie supplie, le cerveau clignote, l’estomac gargouille tel la plomberie fatiguée d’un hôtel borgne. La tête ne tient plus droite, les yeux sont en couilles d’hirondelle, le monde tangue et le moindre son est un refrain de gangsta rap. Et, comme pour le meilleur des bâtisseurs-maçons, Compagnon du devoir, le seau devient indispensable.

L’expression apparue dans l’argot populaire du début du XXe siècle, est ce que l’on appelle un euphémisme visuel, une façon colorée de désigner cet état d’après une bonne grosse bamboche. Elle s’inscrit dans la grande tradition française qui déjà écorchait le renard pour avouer qu’elle a tout bu et qu’elle le regrette.

Mais avoir la tête dans le seau n’est pas exclusivement réservé aux abuseurs du jaja. On peut tout aussi bien l’avoir après une défaite sportive cuisante ou un chagrin d’amour. C’est un état transitoire qui dure néanmoins trop longtemps tant il est peu confortable. Que le seau soit de plage, en fer-blanc, de ménage ou encore à champagne, y avoir la tête est une posture dommageable pour la réputation et l’amour-propre. Coiffé de la sorte et penché sur ses excès incongrus, l’être humain médite sur la laideur des lendemains qui déchantent et la vacuité d’une cuite.

Mais que la modernité est vulgaire ! Elle, préfère avoir la tête dans le séant plutôt que dans le seau. Désignant pourtant la même méforme, elle s’est contorsionnée jusqu’à se faire douloureuse et infect. Le seau conservait ce qu’il faut de tenue; plus rien ne tient s’il est remplacé par le cul. La bamboche c’est bien terminé.

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