
Fig. A. Alors c’est qui la chienlit ?
[avwaʁ la gol] (EREC. SEX.)
Nul sentiment patriotique derrière avoir la gaule. Il eut pourtant suffi d’une majuscule qui s’érige en majesté pour que l’on trouve du cœur à l’expression. En lieu et place de Gaule on a la gaule et s’il faut rapporter à un organe c’est de cul qu’il s’agit, point de palpitant.
Encore que le séant ne soit pas vraiment le sujet. C’est l’autre côté masculin qu’il convient d’étudier si l’on veut expliquer avoir la gaule.
D’inspiration pêcheresse, la gaule étant avant tout la canne se dressant fièrement au bord de la rivière pour taquiner le goujon, l’avoir signifie en un mot comme en cent s’avérer dans des dispositions favorables à la présentation d’hommages à Madame la marquise séance tenante¹. L’image bucolique du pécheur en prend un coup (elle aussi) au passage, mais la langue quand elle se fait frivole s’en tamponne des convenances.
Avoir la gaule c’est dresser le chapiteau histoire d’emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale, c’est marquer six heures et demie, ce peut même être s’apprêter à dormir sur la béquille. Pour celles et ceux qui n’avaient pas saisi, avoir la gaule signifie donc, en langage familier, bander.
Initiée le plupart du temps par l’admiration enjouée d’une plastique ou situation à l’intensité érotique maximale, la tumescence pénienne qui se cache difficilement derrière avoir la gaule doit malgré tout se conformer à certains principes bienséant. D’une manière générale retenons qu’il est inconvenant de l’avoir en société alors qu’il est convenu de l’avoir dans l’intimité. Cette expression familière, clairement sexuelle, est déconseillée en société policée, même si elle appartient au charmant patrimoine des mots surannés.
Notons pour éviter toute fâcherie qu’il n’est pas spécifiquement gaullien mais nettement plus gaulois d’avoir la gaule, même si, encore une fois, l’amour sacré de la patrie (celui qui conduit et soutient nos bras vengeurs) n’a rien à faire dans l’histoire. Que l’on porte à gauche ou à droite on peut avoir la gaule. L’existence de gaullistes de gauche et de gaullistes de droite étant, s’il faut se répéter, indépendante de tout rapport avec la question érectile sus mentionnée.
Raideur d’une modernité pudibonde et fourbe oblige, avoir la gaule est rangée des voitures, vieillie, rare, presque surannée, et survit surtout dans les souvenirs et les dictionnaires d’argot..
Plus question désormais de mentionner le garde-à-vous luxurieux, ce serait la chienlit. Gaule, gaule, de Gaulle : vous êtes du passé.
