Être fier comme un âne ferré de neuf [ètre fjèr kòm ên‿ an fèré de nëf]

Fig. A. Carte postale de l’île de Ré.

[ètre fjèr kòm ên‿ an fèré de nëf] (exp. anim. CHAUSS.)

Le baudet a le pied sûr. C’est sûr. Et c’est d’ailleurs pour ça qu’on lui confie tout ce qu’il faut porter, certain qu’il n’ira pas se vautrer au premier caillou capricieux venu se glisser sous son sabot.

Mais l’animal a moins la cote que la plus belle conquête de l’homme qui jouit des meilleurs traitements, par exemple pour ce qui est de ses chausses.

Ainsi l’âne est-il si rarement ferré de neuf en ces temps surannés que lorsque quatre fers que l’on continuera à appeler à cheval histoire de bien lui montrer qui est le patron (mais ceci est une autre histoire) viennent lui cercler les ripatons, il se dit que c’est son satisfecit affiché qui aurait contribué à créer être fier comme un âne ferré de neuf.

Qu’un âne ferré de neuf soit fier comme un âne ferré de neuf n’a rien qui puisse prêter à l’expression à moins qu’il ne soit décidé qu’elle pourra aussi s’appliquer à quiconque affiche une attitude un chouïa trop présomptueuse.

You’re the one that I want (You are the one I want)
Ooh ooh ooh, honey

On attribuera cette transmission à l’humain à un frimeur en Bleue venu épater les filles du village, à un dandineur du croupion saisit par la saturday night fever ou à Oui-Oui crânant dans sa belle voiture jaune : peu importe, ce qui compte c’est que n’importe quel esbroufeur masculin peut s’avérer être fier comme un âne ferré de neuf.

Généralement peu acquis à la cause campagnarde – le crâneur vient souvent de la ville – le ferré ne relèvera pas l’insolence tapie sous l’apparente quiétude de cette comparaison asinienne. Plus encore, il pourra parfois y entendre qu’il est monté comme un âne, motif de suffisance suprême puisque le plastronneur n’aime rien plus que Popaul dodu fasse sa réputation.

Il rapportera lui-même sur l’asphalte des bourgs être fier comme un âne ferré de neuf et contribuera à son corps défendant à la popularité gagnée par le bourricot du Poitou et ses souliers rutilants.

La découverte par les touristes en goguette de l’âne culotté de l’île de Ré attirera l’attention sur son pantalon aux dépens des sabots.

Bien conscient du ridicule de sa vêture ne servant que les desseins mercantiles de vendeurs de cartes postales, le calme quadrupède en perdra la fierté, se contenant de braire bruyamment pour bien marquer sa désapprobation et rappeler au Parigot plastronnant qu’avant d’être suranné c’était lui le symbole de la condescendance.

Évidemment, être fier comme un âne ferré de neuf en pâtira largement.

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