Faire sa sucrée [fèr sa sykré]

Fig. A. Madeleine de Scudéry, une sacrée sucrée.

[fèr sa sykré] (loc. sacch. PRÉCIOS.)

Si l’une des expressions ultimes de la virilité¹ consiste à faire savoir que l’on n’est pas en sucre (notamment en cas d’épisode pluviométrique majeur et de refus d’utilisation du parapluie), on retrouve paradoxalement du saccharose dans l’expression de la pose affectée que prendra la mijaurée dans son rôle, attitude féminine par essence².

Faire sa sucrée est en effet aux antipodes de ne pas être en sucre.

La précieuse devenue ridicule, telle Madeleine de Scuédry, à force de faire dans la pudeur lexicale et l’élucubration grammaticale, agissant comme le mauvais amateur de café qui dilue dans son breuvage un sucre de canne ou de betterave qui lui en cachera toutes les subtilités, est à l’origine de faire sa sucrée. Il faut donc déceler dans l’expression une certaine mise à distance malgré la douceur apparente.

On dira par exemple de celle qui se refuse à prononcer concupiscent³ sous peine d’évanouissement qu’elle fait sa sucrée ou, par extension, de quiconque affecte un choc émotionnel surjoué à la moindre bouffonnerie ou blague potache qu’il fait sa sucrée.

Quand on fait sa sucrée l’addition est salée

L’usage du sucre raffiné se répandant, faire sa sucrée concernera aussi bien le masculin que le féminin tout en conservant son accord initial en -ée. D’ailleurs le testostéroné sera d’autant plus humilié qu’il sera dit de lui qu’il fait sa sucrée.

La périphrase a beau se tortiller comme une sucette suave aux couleurs affriolantes, elle est rude et cinglante.

Quand on fait sa sucrée l’addition est toujours salée : la langue surannée sait châtier ceux qui tentent de la faire passer pour vulgaire lorsqu’elle appelle la femelle du chat une chatte.

Fig. B. Des chôquées.

Si faire sa sucrée tombera en désuétude, l’industrie agroalimentaire n’entendant pas gâcher l’un de ses ingrédients favoris développant addiction à ses productions pour une histoire de susceptibilité mal placée (mais ceci est une autre histoire), l’offusqué prompt à jouer la grande scène du 2 à la moindre occasion ne disparaîtra pas pour autant.

En modernité il se dira choqué voire chôqué, en chapeautant son -ô avec l’emphase qui sied à l’indigné de la broutille, à l’offensé de pacotille.

Avec moins de talent qu’alors il exigera de couvrir ce sein qu’il ne saurait voir. Pour lui aussi par de pareils objets les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées.

¹La virilité est une valeur forte des années surannées et elle a alors une tendance à le clamer haut et fort qui rebute désormais le moderne.
²La féminité est une valeur forte des années surannées et elle a alors une tendance à se dissimuler derrière des manières affectées qui rebutent désormais le moderne.
³Con, cul, pissant.

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