Se laver la bouche au savon [se lavé la buS o savô]

Se laver la bouche au savon

Fig. A. Louis Pasteur, inventeur du lavage de bouche au savon.

[se lavé la buS o savô] (loc. verb. ******)

Si l’on employait alors des tournures, mots et expressions depuis devenus désuets, il n’était pas pour autant question en ces temps surannés d’utiliser un langage ordurier. L’on trouvera d’ailleurs dans les pages nombreuses de cette noble encyclopédie tout le nécessaire à l’insulte non vulgaire.

Donc, si malencontreux le langage déviait tout de même avec de modernes b***** de m**** ou f*** de p***, voire ****** ** ** ****, l’émetteur se voyait intimé l’ordre d’aller sur-le-champ se laver la bouche au savon.

Toute autorité de quelque nature que ce soit (parent, barbacole, voisin, garde-champêtre, etc.) était autorisée à exiger le lavage buccal en cas de juron. Un réflexe hygiéniste inculqué par les travaux de Pasteur et les réalisations de Rambuteau, Haussmann¹ et consorts certainement, ou peut-être une vieille croyance animiste venue d’Alep, nul ne le sait réellement, mais se laver la bouche au savon était l’incantation censée faire cesser dans l’instant l’impolitesse blasphématoire et l’outrage aux bonnes mœurs en approche.

Pour ceux qui l’auront mise en application avec, par exemple, ce bon vieux savon jaune Provendi, il n’y a pas de récidive connue. Se laver la bouche au savon une seule fois suffit à calmer toute ardeur grossière.

Cette forme de répression sanitario-vocabularistique deviendra aussi synonyme figuré de châtiment bien pensant. On dira dès lors des censeurs en tous genres qu’ils ont lavé la bouche au savon du pamphlétaire, du grognard, de l’objecteur qui voit ses écrits raccourcis, ses formules tronquées, ses élans trop lyriques fracassés. Mais cet usage confidentiel de se laver la bouche au savon ne connaîtra qu’un modeste succès d’estime.

Se laver la bouche au savon n’est plus une sanction qui pèse sur le moderne.

D’une part parce qu’est enfin très largement reconnue la forme poétique affleurante d’un « nique ta mère » quasi désuet ou l’académisme vieille France d’un va te faire empapaouter, et d’autre part parce que de biiiiips pudiques sur des chansons rebelles en traitements de textes 2.0 suggérant pompeusement d’honnêtes astérisques ou d’étranges orthographes, c’est la technique qui désormais lave la bouche au savon de tout ce qui professe juron.

« Quelle pitié ! Les charretiers ont un langage châtié !
Les harengères et les mégères ne parlent plus à la légère ! Le vieux catéchisme poissard n’a guère plus cours chez les hussards… Ils ont vécu, de profundis, les joyeux jurons de jadis », comme disait le bon maître².

¹Les préfets, pas les stations de métropolitain.
²Georges Brassens, La ronde des jurons.

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