Correspondant [kɔʁɛspɔ̃dɑ̃]

Fig. A. À nous les petites anglaises.

[kɔʁɛspɔ̃dɑ̃] (n. m. EPIST.)
Il est du suranné qui se cache dans des mots si contemporains qu’il faut parfois fouiller pour le dénicher. Ne vous en faites pas, je suis là pour ça. D’ici quelques lignes vous comprendrez pourquoi correspondant est bien de ce genre là. Entendons nous, le correspondant dont il s’agit est un épistolaire, pas un de guerre, pas un participe présent non plus, pas un journaliste en goguette envoyé spécial ou permanent, non rien de tout ça. Ce correspondant là est suranné parce qu’il date d’une époque où l’on écrit pour s’adresser à quelqu’un. Étrange habitude n’est-il pas ? D’autant plus que cette rédaction doit s’effectuer sur du papier que l’on dénomme « à lettres » avec un objet effilé empli d’encre qui répond au précieux nom de stylographe. Que de bizarreries en ces temps surannés…

Revenons-en à notre correspondant. Le correspondant est d’un âge similaire au tien, et tu es alors un enfant ou un adolescent. Et pour cause : il est ton correspondant car il te correspond et avec lui tu corresponds. C’est clair ? Il vit dans un pays plus ou moins éloigné, francophone ou non, et c’est d’ailleurs cette qualité exotique que tu cherchais aussi en partant à sa quête.

Grâce à lui tu vas apprendre les mœurs étranges des voisins d’Outre-Rhin, tu vas savoir avant tout le monde que Star Wars vient de sortir en Californie, tu vas connaître l’existence de la mangue qui pousse en l’île Bourbon¹, tu vas comprendre qu’en Côte-d’Ivoire le français peut prendre des tournures que tu ignorais jusqu’alors.

À ton correspondant tu écris en français, en anglais, en espagnol, en allemand, tu lui fais des dessins, tu lui envoies des photos de ta vie, des bonbons qu’il trouvera exotiques, un t-shirt bien de chez nous. Tu lui racontes l’école et la ronéotypeuse, les activités du mercredi et les vacances chez mamie. Il fait de même pour satisfaire ta soif inextinguible de découvertes de l’Autre et de l’Ailleurs (je rappelle que tu n’as pas Internet puisque ça n’existe pas encore). Chaque jour tu guettes l’arrivée du facteur et tu cherches frénétique le timbre aux couleurs chatoyantes qui te dira en un coup d’œil que ton correspondant t’a écrit. Joie !

Aujourd’hui tu as plein de correspondants. Des milliers sur Twitter car tu as mis ton plus joli profil en PP comme on dit, des centaines sur Facebook qui se disent aussi des amis, des centaines sur Linkedin mais là c’est pour bosser. Tu dois en avoir sur Copains d’avant mais tu as paumé tes codes alors tu les oublies. Mais ce n’est pas pareil, pas la même saveur.

Lui, celui de ton enfance, tu ne l’as pas oublié. Tu te demandes parfois ce qu’il est devenu. Et si dans le grenier tu retrouves ses lettres, craché juré tu reprendras contact. Sur du papier et à la plume comme avant, quand tu savais encore écrire.

 

¹Authentique, j’ai mangé ma première mangue à l’âge de 9 ou 10 ans directement apportée par des correspondants Réunionnais.

 

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