Master Mind [mɑːstə maınd]

Fig. A. Fonctionnement d'un cerveau de Master Mind.

Fig. A. Fonctionnement d’un cerveau de Master Mind.

[mɑːstə maınd] (n. pr. MARQ. DEP.)

Il fait très chaud en cet été 1976.

Non parce que l’époque est surannée et non climatisée, mais simplement parce que le cagnard cogne. Cela dit l’époque est quand même surannée : R12 et 504 peuplent les rues, TF1 est passée en couleur au début de l’année, le Petit Rapporteur s’arrête (pour une fois qu’on se marrait…), Van Impe gagne le Tour de France, les Verts viennent de perdre la finale de la coupe des clubs champions contre le Bayern à Glasgow, la ligne 1 du métro de Bruxelles est mise en service, et l’année est bissextile (oui, le bissextile c’est suranné, ne discutez pas).

Il fait donc chaud, très chaud sur la France en ces mois de juillet et d’août 1976. Comme il fait chaud on ne va pas à la plage trop tôt (va comprendre). Et encore ! « Tu ne te baignes pas pendant deux heures après avoir mangé » et « Tu te mouilles la nuque avant de rentrer dans l’eau » semblent être les deux phrases les plus prononcées par des hordes de parents soudainement piquousés à la santé publique, autrement dit très chiants. Vous le comprenez, l’été va être long, trèèèès long à ce rythme là.

C’est à ce moment du récit que surgit Master Mind. Le mec encravaté en costume noir très chic et chemise col pelle à tarte qui trône sur la boîte semble être une sorte de dandy brillant et séduisant capable de faire flamber la table de jeu en sirotant négligemment un Martini Extra Dry Vermouth avec une olive. Il a une chevalière, preuve qu’il est suranné, et me regarde avec un petit air mondain qui fleure bon le défi. A coup de pions plastiques de huit couleurs il pense me mettre minable, le bougre.

Je m’en gausse encore. Au cours de cet été 1976, dans la chaleur écrasante et la moiteur équatoriale que je chéris tant, je vais humilier tour à tour chaque membre de ma famille, les voisins du camping, les oncles de passage, les freluquets du zinc, les scientifiques en maillot de bain. J’ai trouvé la martingale qui en quatre ou cinq tours me permet d’aligner cinq petits picots noirs et de triompher d’esprits qui pensaient me flouer. Master Mind, 2401 possibilités, tu parles ! Ma carrière d’olibrius prend ainsi son essor.

Au cours des années qui suivront les enfants me jetteront des pierres, des scientifiques disséqueront mon corps et poseront des électrodes sur mon front, des testeurs en tous genres me cribleront de tests (c’est leur boulot), des psychologues décideront de mon sort tandis que des professeurs affronteront mon esprit tourmenté. Je refuserai la médaille Fields, le Nobel, le Pulitzer, le Goncourt, Kasparov deviendra un ennemi, je conduirai une Ferrari rouge jusqu’à ce qu’un énorme éléphant rose volant me double par les airs.

C’est l’arrêt du manège dans lequel je m’étais assoupi qui me sortira de ce cauchemar.

Je me suis encore pris une râclée au Master Mind mais je l’ai fait exprès : quand je perds j’ai droit à un tour de manège et une glace pour me consoler.

On est en 1976, il fait chaud et un dandy en costume noir m’a tout appris sur la dissimulation et la manipulation. Il s’appelle Master Mind.

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