Sustenter [systɑ̃te]

Fig. A. Gargantua se sustentant.

[systɑ̃te] (verb. prem. gr. TAB.)

S‘il est de ces mots nobles boutés hors du langage commun par quelque esprit grivois se prétendant moderne, sustenter en est le héraut.

Aller chez le merlan [ale ʃe lə mɛʁlɑ̃]

Aller chez le merlan

Fig. C. Chez le merlan.

[ale ʃe lə mɛʁlɑ̃] (exp. coiff. L’OREA.)
Ah que voilà une expression qui sent la gomina, le garçon maniéré et la raie sur le côté. Aller chez le merlan ne se pratique guère plus depuis que les concepts franchisés ont stéréotypé la création capillaire.

Thermopyles [_tɛʁmɔpil_]

Fig. A. Léonidas.

[_tɛʁmɔpil_] (Léonid. HIST.)
Il peut paraître un tantinet pédant, je le concède.

Mais l’élégant Thermopyles contient tant de cours d’histoire, de grec et de superbe que je ne peux m’empêcher de le trouver suranné.

Il avait resurgi dans ma vie sans crier gare, au coin d’une rue du XIVᵉ qu’il dénommait comme je vivais alors dans ses parages. Passé le temps de la surprise et, il faut bien l’admettre, celui concomitant d’une plongée dans l’Encyclopædia Universalis (les Internets n’existaient pas en ces temps reculés), Thermopyles avait réintégré mon bréviaire personnel, me permettant de temps à autre une sortie remarquée dans les dîners en ville (le tout étant de le placer au bon moment sinon ça se voit et on passe pour un snob mais ceci est une autre histoire).

Quel plaisir de le manier, d’estourbir le rival à coups de h et de y qu’il ne saura placer. Thermopyles est un suranné pour frimeur, j’en conviens, mais c’est un suranné quand même. Avec un Thermopyles bien balancé on récolte l’aura spartiate d’un Léonidas. Sauf si elle pense qu’il s’agit là de chocolats…

Allô ? [alo]

Fig. A. Allô ?

[alo] (interr. TEL.)

Comment ? Quoi ?! Mais que raconte-t-il ?

Oh je vous vois vous pâmer parce que j’ai bien voulu titrer allô et ainsi l’accepter dans le doux monde des mots délicieusement surannés. Je vous entends vous indigner, persifler, me traiter de fou, d’inconscient, de fossoyeur des grands classiques.

Attache-parisienne [_ataʃpaʁizjɛn_]

Fig. A. Agite les bras du marin.

[_ataʃpaʁizjɛn_] (n. comp. BRICOL.)

Accessoire central de mes premiers bricolages d’enfance, cible des tout-aussi-premiers maugréements liés à quelques ratages de l’activité en question, puis remplacement progressif par le clou la vis ou le boulon, l’attache-parisienne a tout pour être surannée.

Quelques grammes de laiton souple pour bâtir un monde de super robots à tête et membres mobiles, pour créer mes premières montres, pour faire tourner les roues de mes premières voitures de carton…

L’attache-parisienne explique tout, elle est le nœud de Freud ou de Lacan, l’élément central de toutes les névroses à venir ! Une mine d’or pour psy ! D’accord je m’emballe peut-être un peu mais l’attache-parisienne c’était un truc super en tout cas. Je ne m’explique toujours pas sa dénomination étrange mais je m’en fiche. On a créé ensemble et c’est bien là l’essentiel.

Billevesée [bilvəze]

Fig. A. Ahahahaha !

[bilvəze] (n. fém. BLA-BL.)

Halte-là mon ami, si tu prétends aujourd’hui user de ce mot, tu es soit un menteur soit un fâcheux hurluberlu. Qui a ouï prononcer billevesée? Personne, nous sommes d’accord.

Bien que les idées creuses n’aient aucunement disparu en notre époque moderne, on peut même dire qu’elles y trouvent un terrain de prédilection, le mot qui les décrit le mieux s’est pour sa part quasiment éteint, rejoignant les zones troubles de ses frères surannés au fond des dictionnaires.

N’est-ce pas là bien étrange destin ?

Alors qu’il se prêterait au mieux à décrire la plus grande partie des propos de nos contemporains et notamment de ceux qui ont fait de l’émission d’avis une profession, voilà donc que ce terme inexiste. Oui, inexiste. Il a dû être occis par quelque consultant en bonne parole ou expert en expertise, je ne vois pas d’autre issue.

Billevesée, renais ici de tes cendres, on a besoin de toi.