Dorothée [dɔʁɔte]

[dɔʁɔte] (n. pr. TV.)

Une fois n’est pas coutume, nous envisagerons aujourd’hui un échec, ou comment Dorothée a raté son entrée en surannéité. Voici en exclusivité le récit d’un fiasco.

Elle avait tout pour devenir surannée de son vivant mais elle surnage tout juste entre vintage et ringardise.

Tang [tâɡ]

Fig. A. « Viens, allons déguster un Tang ».

[tâɡ] (n. MARQ. CIAL.)

Moi j’ai bu du Tang. Et c’est une condition sine qua non à l’acquisition d’un certain degré de surannéité. Plus qu’une boisson Tang c’était un rite initiatique, une entrée dans l’univers de la fête (celle d’anniversaire avec les ballons, le maquillage et les déguisements, pas la soirée toge&mousse au Pacha, enfin !). Parce que le Tang ça se préparait ma bonne dame.

Pif Gadget [pif ɡadʒɛ]

Fig. A. Le vélo à ailes, bien avant Pif Gadget.

[pif ɡadʒɛ] (n. can. PRESS.)

NDLR : quiconque tenterait d’émettre la moindre objection face à la surannéité de Pif Gadget serait immédiatement cloué au pilori pour mauvais esprit et complot contre les temps surannés.

Pif Gadget c’est la presse jeunesse dans tout ce qu’elle a de splendide avant le temps des écrans et du jeu vidéo. C’est donc bel et bien suranné. Un temps de la lecture avide des aventures de multiples héros, tous porteurs d’un message que je ne découvrirais au bas mot qu’une trentaine d’années plus tard. Car plus que l’homosexualité des Village People, de Freddy Mercury ou encore George Michael, le secret inavouable des années surannées est bien celui que cachaient Rahan le rouge, Dicentim le trotskiste, Placide et Muzo les deux Mao, Totoche l’anarchiste. Oui, tous attendaient le Grand Soir…

Bas-bleu [bablø]

Fig. A. Bas-bleu.

Fig. A. Bas-bleu.

[bablø] (exp. LITT.)

Bien qu’il ne s’accorde qu’au masculin (on dira toujours un bas-bleu), le mot délicieusement suranné du jour ne concerne que le genre féminin.

Bon, là je sens que je vais encore m’attirer les foudres des féministes mais après tout elles me font bien marrer ces demoiselles vengeresses¹. Oui, elles vont pouvoir s’énerver car bas-bleu a pour une raison que j’ignore, transité du bienveillant au péjoratif, désignant en tous cas une femme de lettres. Mais pourquoi Diable faut-il donc se moquer quand une femme tient la plume ailleurs que sur sa coiffe ? Sont-ce les précieuses engoncées en salon qui l’ont trainée si bas ?

La chaise du Luco [la ʃɛz dy lyko]

Fig. A. Chaises du Luco. © illustration Rita Renoir.

[la ʃɛz dy lyko] (mod. dép. DESI.)

Elle date de 1923. Sa surannéité est donc validée.

Même si le marketing l’a prise en main depuis qu’elle est fabriquée par Fermob, la chaise du Luco conserve son caractère suranné. Je vous parle de la vraie, de la verte avec son RAL 6013, pas de ses sœurs branchées aux couleurs chatoyantes pour balcon-terrasse bobo mais accueillant quand même.

Vous la connaissez, même si vous ne fréquentez pas le Luxembourg (le parc, pas le pays) vous l’avez vue sur tant de photos, la chaise et ses compères le bridge et le fauteuil bas, ceux que l’on guette quand on arrive trop tard, ceux dont on vire les pieds de l’impudent, touriste ou non, qui croit que ses arpions sont plus précieux que notre séant. Vous voyez ce dont je veux parler…

Déménager à la cloche de bois [demenaʒe a la klɔʃ də bwa ]

Déménager à la cloche de bois

Fig. P. Déménageurs.

[demenaʒe a la klɔʃ də bwa ] (métaph. XIXᵉ s.)

Ma grand-mère avait un langage imagé et était surannée, à moins que ce ne soit l’inverse. Je l’ai souvent entendue dire d’aucun qu’il avait déménagé à la cloche de bois. Cette expression recelait un monde de questions qui me taraudaient pendant des jours et je n’osais faire part de mes multiples incompréhensions sentant bien au ton utilisé qu’ourdissait quelque étrange destin derrière cette bien curieuse métaphore. Admettez qu’il y a du cocasse dans cette image enchaînant deux propositions qui n’ont a priori pas à frayer ensemble.