Je veux mon neveu [Ze vö mô nevö]

Je veux mon neveu

Fig. A. « Alphonse, un Picon ? Je veux mon neveu ! ». 1868. Le Balto, Paris.

[Ze vö mô nevö] (loc. interj. OUI)
Faire entrer son interlocuteur dans le cercle intime et familial n’est pas la fonction principale de l’acquiescement tonitruant que nous scrutons attentivement ci-après. Présentons-nous cependant à la grande famille des mots, un petit peu dans la peau d’un beau-frère que l’usage de l’expression en question pourrait laisser deviner.

Bien plus qu’un poli oui, je veux mon neveu est une enthousiaste validation répondant par ce truchement d’inclusion dans une relation quasi-filiale, à une question plus ou moins banale. Exemple :

– Tu reprendras bien une petite bière ?
Je veux mon neveu !

En un instant le questionnant devient le fils du frère ou de la sœur, du beau-frère ou de la belle-sœur du répondant, sans pour autant qu’aucun lien de parenté avec l’un ou l’autre n’ait fait l’objet d’un faire-part officiel ou d’une déclaration d’état-civil.

Une expression dont on pourrait considérer qu’elle provient d’une époque peu tatillonne sur les questions de filiation et leur aspect administratif, quand en réalité elle procède d’une figure stylistique surannée dite de « l’emphase parentale » que l’on retrouve dans faire quelque chose à la papa, passer une soirée pépère, pousser mémé dans les orties, et quelques autres.

Je veux mon neveu marque en effet l’entérinement ferme et définitif, et son sceau des liens du sang empêche de se dédire. Je veux mon neveu n’est donc pas à utiliser à la légère : on sait qu’un simple oui permet toujours un retour en arrière (mais si, on le sait, prenez le oui de la cérémonie du mariage par exemple…) alors qu’un je veux mon neveu est bien irrévocable. Au passage, dire je veux mon neveu à messieurs le maire ou le curé aurait une certaine gueule…

Dans l’échelle approuvante, je veux mon neveu se situe très loin au dessus de « oui mais », « oui », « oui-oui », « oui c’est sûr », « sur-sûr », et même « sûr et certain » (« sûre et certaine »).

Il se pourrait que mon neveu soit une déformation de « un peu », traduisant pour sa part un beaucoup, mais aucune recherche sérieuse n’atteste cette thèse qui demeure conjecture.

Quoi qu’il en soit, je veux mon neveu s’inscrit dans la longue tradition des assonances de comptoir, dans la lignée des cool Raoul, à l’aise Blaise, et du célébrissime relax Max en hommage au routiers sympathiques. Notons cependant que en voiture Simone n’a rien à avoir avec ce filon rimant qui aurait, s’il l’avait voulu, plutôt créé en voiture Arthur en lieu et place de se faire appeler Arthur.

Je veux mon neveu aurait disparu en surannéité avec les bistrots populo, ceux où l’on demandait pour la forme à un poto s’il voulait reprendre une binouze ou un petit Picon bière avant de regagner sa carrée. Autrement dit, ça fait un bail.

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