Tâte-poule [tat-pul]

Tâte-poule

Fig. A. Rare gravure d’une homme passant l’aspirateur. The Macho Man Museum, San Francisco.

[tat-pul] (n. m. invar. BAS.-COU.)
Se dit aussi tâte-au-pot mais vous le saviez déjà car depuis Henri IV poule et pot sont intimement liés dans notre royaume de France et de Navarre (mais j’avais la flemme de rédiger deux définitions).

Avec le tâte-poule que voici, les mots délicieusement surannés vont à nouveau s’attirer les foudres belliqueuses des amazones modernes mais qu’y puis-je, je sers la science, c’est mon destin. Evidemment que tâte-poule est sobriquet, évidemment que tâte-poule en sous-entend tant et tant, évidemment que tâte-poule aurait dû demeurer enfoui dans les limbes de la basse-cour dont il vient pour moitié… mais non, aujourd’hui il a décidé qu’il était plus que temps de vous dire qui il est. Il est sur ses ergots tâte-poule et il va caqueter.

Je vous ai donc prévenu, tâte-poule est très loin des marges du politiquement correct et de l’égalité domestique dont il convient de se parer aujourd’hui sauf à passer pour un gougnafier ce qui n’est évidemment pas mon cas (tu as pensé « mais si », tu sors).

Or donc, tâte-poule nous décrit en mode gallinacé celui qui s’avère être un homme contribuant du mieux qu’il peut aux tâches domestiques. Vous voyez bien qu’il est raillé. Tâter n’est pas vraiment très noble et la poule est un bien vilain animal qui désigne aussi avec un grand mépris la femme. Ainsi serait celui qui se targue d’accomplir sa part de nos jours considérée comme juste, du ménage ou bien de la vaisselle : un tâte-poule ! Un vulgaire coq sans crête, un de ces bruyants domestiques qui crâne les deux pieds dans la fiente en onomatopant un criard cocorico (en français) ou cock-a-doodle-do (en anglais), ou quiquiriquiqui (en espagnol) ou encore 唂唂唂 (en cantonais) et gaggalagaggalagó (en islandais). Quelle ignominie.

On le devine bien aisément, tâte-poule nous provient de l’époque surannée où la femme régnait sur la maison, passant son temps entre vaisselle et fourneaux, entre savante mise-en-plis et repassage soigné et sans faux plis, entre intérieur soigné et extérieur léché. Est-ce à force de tâter du balai ou du rouleau à pâtisserie pour avoir trop tâté du fessier par ailleurs que le coq tâta du plumeau tant est si bien qu’il en devint poulet ?

On peut le supposer car même si comme le dit Molière,

Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu’une femme étudie et sache tant de choses.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,
Et régler la dépense avec économie,
Doit être son étude et sa philosophie.
Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,
Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
À connaître un pourpoint d’avec un haut de chausse.

force est de constater qu’il n’est plus écouté. Et il est devenu tâte-poule.

De nos jours le tâte-poule est commun. Il époussette, brique, nettoie, fait briller et astique, il mitonne, repasse, jardine à tout va. Il est un homme moderne et ça lui va comme ça. Il se coiffe, il s’habille, il se soigne et je crois bien qu’il pleure (en secret tout de même). Drôle d’oiseau.

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