Recevoir son morceau de sucre [resevwar sô mòrso de sykr]

Fig. A. Comédien quelconque recevant son morceau de sucre.

[resevwar sô mòrso de sykr] (loc. théât. BOF)

Lorsque le talent n’est pas au rendez-vous les lazzi raccompagnent en coulisses le piètre bourgeois gentilhomme. Quelques fois des tomates bien mûres le pressent même dans sa retraite forcée.

Ainsi vont les temps surannés où le talent est loué et l’imposture charriée.

L’entre-deux n’est pas pour autant oublié.

Le sans-plus, le pâteux, le gnagnan, le confus, sont aussi salués lorsqu’ils quittent la scène qu’ils n’ont guère éclairée. Il se dit alors qu’avec les clappements que le public leur consent, ils reçoivent leur morceau de sucre.

L’applaudissement modéré qui réveillera doucement le spectateur endormi par un Cyrano ânonnant sa tirade du nez ou un Don Diègue plus fâché avec le brio qu’avec la vieillesse ennemie est la seule douceur que l’histrion recevra ce soir là. Il pourra en gâter son café, mais pas plus. Recevoir son morceau de sucre est une bonté faite à l’artiste, une politesse à la sueur dépensée.

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?

Bien étrangement recevoir son morceau de sucre ne franchira jamais les portes du théâtre. Quand on sait combien le quelconque est partout il est pour le moins singulier de constater que l’expression ne chapitrera pas ailleurs qu’au boulevard.

En dehors de l’opéra-comique le tiédasse demeurera tranquille. On lui épargnera diabète et caries en ne lui adressant aucun morceau de sucre. La gâterie restera réservée au baladin. En était-il jaloux au point de refuser de sucrer le pékin mi-figue mi-raisin ? Nous ne saurions l’affirmer même si le côté cabotin du comédien accréditerait facilement la thèse.

Sans morceau de sucre reçu en offrande, le tépide du quotidien continuera donc son labeur insipide.

Lui seul a survécu sans faner.

Recevoir son morceau de sucre s’est abîmé en surannéité, emportant son sens bien élevé.

Laisser un commentaire