Être habillé comme la chienne à Jacques [ètr‿ abijé kòm la Sjèn‿ a Zak]

Être habillé comme la chienne à Jacques

Fig. A. Chienne habillée.

[ètr‿ abijé kòm la Sjèn‿ a Zak] (loc. can. MOD.)

Sous les latitudes de la Belle province se sont créées des expressions que la mère patrie française a souvent tenté de récupérer, hors prononciation évidemment tant leur tonalité nasale et chantante est impossible à reproduire pour le natif de Loches ou de Montauban (mais ceci est une autre histoire).

Parmi ces pépites se trouve l’histoire de Jacques Aubert, vieux garçon ronchon habitant le Bas-du-fleuve, région du Saint-Laurent qui va de La Pocatière à Sainte-Luce-sur-Mer et plonge dans l’arrière-pays jusqu’au Nouveau-Brunswick comme chacun sait.

Maître d’une femelle cabot dont l’histoire n’a pas daigné retenir le nom – si ce n’est celui très descriptif de « la chienne à Jacques »¹ – le bon homme aura donc contribué à créer être habillé comme la chienne à Jacques du fait de sa lubie consistant à vêtir l’animal de toutes les guenilles lui tombant sous la main. La scène cocasse d’un caniche (ou autre canidé) pourvu d’oripeaux théoriquement destinés à un trappeur barbu aura eu de quoi surprendre au point de s’installer dans la langue.

Les défenseurs des animaux prétendent que cette mode n’était destinée qu’à protéger la pauvre bête dont le poil piteux, rongé par la vermine, ne remplissait plus son office contre les rigoureux hivers locaux, soit une affirmation invérifiable mais de peu d’importance. La chienne à Jacques était, c’est certain, l’exemple vivant du mauvais goût vestimentaire et du recyclage à la va-vite des pulls qui grattent tricotés par mamie ou des chaussettes rigolotes offertes par des collègues de bureau.

Toujours selon la légende ce sont d’ailleurs ces pièces du vestiaire qui feront passer être habillé comme la chienne à Jacques de la bête à l’humain tant seront nombreux les quidams empullés de cols roulés orange ou de mi-bas Mickey aux couleurs joueuses.

On aura bien opportunément oublié au passage que le jaque est aussi un manteau de cuir que portent les clébards coursant le gibier sous le taïaut belliqueux du veneur : quand l’histoire veut imposer une version elle sait comment s’y prendre la bougresse.

S‘il est certain que c’est un défilé de prêt-à-porter moderne qui rendra caduque être habillé comme la chienne à Jacques, des créateurs loufoques et maniérés ayant à leur tour décidé de fagoter de malheureuses égéries sylphides d’élucubrations costumières équivalentes à celles de Jacques Aubert, nul n’est en mesure de préciser la date exacte et de désigner la fashion week coupable.

Paris ? Milan ?

L’ensemble rose avec excroissance sphériques en pied évoquant sans gêne Popaul et ses attributs est-il plus responsable que l’écharpe en gants de ménage ? La veste de costume transparente a-t-elle eu l’influence qu’on dit ? Quid du string à porter par dessus le smoking ?

Le mystère sur la disparition d’être habillé comme la chienne à Jacques demeurera irrésolu.

¹Appellation qui demeure somme toute plus noble que celle de « la grosse mémère à son pépère » comme il s’entend encore de nos jours.

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