Tirer sa poudre aux moineaux [tiré sa pudr o mwano]

Tirer sa poudre aux moineaux

Fig. A. Chasseurs de moineaux n’ayant pas découvert la poudre.

[tiré sa pudr o mwano] (périphr. gaspi. CHAS.)

Au turbin comme en tout le dosage d’huile de coude doit être juste et proportionné au bénéfice envisagé. Tel est l’esprit qui se cache derrière l’image chasseresse de l’expression tirer sa poudre aux moineaux.

Seul le mauvais chasseur sue sang et eau pour des choses de peu et fait feu sur un gibier qui ne lui donnera rien à manger (c’est d’ailleurs ce qui différencie le mauvais chasseur du bon chasseur, mais ceci est une autre histoire). L’on dira de ce bougre ne sachant ni chasser sans son chien ni doser son effort qu’il tire sa poudre aux moineaux.

Quand le gros gibier passera, l’écervelé armé pourra se morfondre d’avoir gâché pour de futiles proies son mélange déflagrant. Adieu sangliers à la broche et chevreuil sauce grand veneur : ce sera gigot de moineau au repas.

Faire et défaire c’est toujours travailler

Née après l’invention de la poudre (IXsiècle) et utilisée pour désigner un quidam n’ayant de toute évidence pas été à l’origine de sa découverte, tirer sa poudre aux moineaux pointe le dispendieux, le gaspilleur de précieux (puisque la poudre noire l’est), pas avare pour deux sous des moyens déployés mais pas très futé pour autant. Ce qu’il aime c’est le bruit du canon, qu’importe le résultat.

Quittant rapidement le rang des giboyeurs montés en calibre 12 pour devenir périphrase sur le peu fructueux, tirer sa poudre aux moineaux trouvera de quoi mettre son grain de sel dans de nombreux domaines qui auraient gagné à demeurer négligés du fait de leur faible produit (travail, assemblée générale, construction de tour de Babel, etc.) mais qui s’épanouiront au prétexte « qu’il faut bien occuper ses journées », que « faire et défaire c’est toujours travailler » ou que « faire des bulles dans la mare c’est quand même un sacré boulot ma pauvre dame ».

Battant en brèche la décontraction du gland héritée des glorieux Sybarites, l’effort le plus vain se verra magnifié. Caractéristique d’une modernité n’hésitant jamais à brasser de l’air pour justifier son existence, la démesure deviendra la mesure minimale de toute activité.

Désormais d’usage déconseillé pour cause de mauvais esprit, tirer sa poudre aux moineaux est des plus désuètes. L’époque appartient au prolifique qui fait feu sur le piaf.

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