Faire des Zanzis [fèr dé zâzi]

Faire des Zanzis

Fig. A. Le sultan de Zanzibar et ses amis du Balto.

[fèr dé zâzi] (loc. lud. DÉ.)

Funguvisiwa ya Zanzibar en swahili, Zanzibar en français, « Ô archipel mystérieux, îles aux épices et au commerce de bois d’ébène¹, mythique sultanat de l’océan Indien », pourrait déclamer le poète du Balto qui n’a pourtant jamais mis les pieds à Stone Town.

C’est que le bougre s’y connaît plutôt pas mal en Zanzibar puisque chaque jour avec les potos il fait des Zanzis.

Jeu de dés qui se pratique au zinc d’un geste nonchalant, le Zanzibar consiste à faire des Zanzis, ou brelans, à partir de trois dés lancés une ou deux fois. Trois as et c’est cent points dans la besace, trois six font soixante, alors que trois cinq ne donnent que cinq, trois quatre quatre et trois trois : trois. Le premier à deux cents emporte la partie et le perdant paye sa tournée de Ricmuche, évidemment.

En sus d’un traumatisme du poignet faire des Zanzis peut donc entraîner une sévère ivresse (mais ceci est une autre histoire).

Il est possible que les premiers à faire des Zanzis aient été les soldats Britanniques engagés dans la guerre la plus courte de tous les temps, cherchant à tuer leur ennui plus que l’ennemi puisque celui-ci avait été vaincu au bout de quarante minutes.

Le 27 août 1896 à 9 heures très précises débuta en effet un conflit entre le nouveau souverain de Zanzibar et la reine Victoria qui fut réglé en moins d’une heure et se solda par la destruction du palais et du harem du sultan, la mise sur le trône d’un homme de paille au service de Sa Très Gracieuse Majesté et l’invention probable par les marins du HMS St George ou du HMS Thrush du jeu consistant à faire des Zanzis.

Aussi peu connu que la chanson de Juliette Gréco dézinguant la destination (Zanzi, Zanzi, à Zanzibar faudrait m’casquer bien un milliard pour y retourner passer l’week-end même avec Sinatra²), la guerre anglo-zanzibarite ne fera pas la gloire de l’archipel malgré le succès indéniable du lancer des trois dés qu’elle aura peut-être enfanté.

Ainsi la plupart des amis du bar du même nom feront des Zanzis sans savoir.

Bousculé par la transformation du zinc en comptoir de vente à emporter qui ne peut supporter l’encombrement d’une piste de dés en feutrine verte, le Zanzibar flétrira rapidement avec l’avénement des bars à concept innovant sans Viandox ni Picon.

Le son des trois cubes roulant dans leur arène s’en ira, emportant sans histoire les Zanzis de bistrot.

Quand les Zanzis se barrent passez muscade à Zanzibar.

¹Jusqu’en 1873 on estime à 50 000 le nombre d’esclaves vendus chaque année à Zanzibar.
²Zanzibar, Juliette Gréco. 1970.

  2 comments for “Faire des Zanzis [fèr dé zâzi]

Laisser un commentaire