Avoir su** un clown [avwar sy** û klun]

Fig. A. Un suceur de clown. Collec. musée du rire.

[avwar sy** û klun] (loc. humor. FELLA.)

Le bon mot qui déclenchera dans l’auditoire sourire goguenard voire hilarité entraînant irrépressible envie de soulager sa vessie n’est pas chose aisée à délivrer.

L’art oratoire rigolbochant exige en effet à la fois pertinence du propos, sens du juste instant et science du ressort poilant, soit une alchimie savante plus complexe que celle permettant d’accéder au grand œuvre.

À celui qui aura échoué dans cette quête, la langue surannée réserve une remarque scabreuse et souvent interrogative sur une possible pratique qui l’aurait amenée au fiasco : « tu as sucé un clown ? ».

Notons qu’avoir sucé un clown existe aussi sous forme affirmative et est dans ce cas nettement plus acide, laissant paraître une prise de distance avec la méthode¹.

La malice emprunte les voies cérébrales avant tout

Contrairement à ce qu’il pourrait sembler à l’innocent, avoir sucé un clown ne signifie pas avoir un cheveu sur la langue (ou tout autre élément filiforme épidermique) mais faire preuve d’un humour raté, la capacité au bon mot susnommée étant évidemment intransmissible par voie buccale fut-ce donc en absorbant la matière pas vraiment grise du représentant officiel de la grosse poilade depuis la création de la Commedia dell’arte; le féru d’esprit sait que la malice emprunte les voies cérébrales avant tout².

Avoir sucé un clown s’utilise dans les temps surannés pour remettre à sa place de pisse-vinaigre le naufragé du jeu de mot, le recalé du calembour, le foireux en contrepet qui s’est risqué hors de son champ de compétence.

Et comme le fâcheux foisonne déjà, avoir sucé un clown s’entend quotidiennement dans la bouche des grandes et des grands. D’autant plus que l’Auguste est alors au firmament de sa gloire, remplissant Medrano ou le Nouveau Cirque chaque soir pour y asséner ses quatre vérités au puissant venu l’applaudir au premier rang. Chocolat et Foottit, Pipo (le bien nommé), Achille Zavatta font se bidonner tant et tant que les groupies se pressent à l’entrée des artistes et ne dédaignent pas donner de leur personne pour un petit moment d’humour.

Pétri du sérieux nécessaire à la survie dans son époque grise, le moderne ne va plus faire dans la clownerie, bien conscient qu’il est de ses lacunes en la matière : son attitude impérieuse en tout ne lui autorise pas la moindre gouaillerie.

Il ne prête ainsi plus le flanc à la question sur ses mœurs, lui qui est pourtant si pompeux. Un comble pour avoir sucé un clown qui devient dès lors surannée.

¹Nous pourrions alors dire que sucer un clown c’est tromper, même si ceci est une autre histoire.
²Même pour ceux qui réfléchissent avec leur bite.

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