Démêler les queues de singes [démélé lé kö de sêZ]

Fig. A. Singe s’interrogeant sur la complexité du monde.

[démélé lé kö de sêZ] (exp. sim. COMPLEX.)

Avant même que l’homme ne soit homme, en ces temps où le langage n’était que borborygmes et onomatopées émis par des primates encore arboricoles, existaient déjà des problèmes difficiles à résoudre : place sur la plus haute branche, accès privilégié aux bananes les plus mûres, épouillage des plus belles femelles, etc.

Et lorsque le singe fut descendu de son arbre pour devenir humain – et enfin s’exprimer avec sujet-verbe-complément – il se remémora ces temps premiers et créa démêler les queues de singes en guise d’expression visant à régler des affaires complexes.

Véritable pied-de-nez à ces temps sans paroles, démêler les queues de singes fait valoir l’inextricabilité d’une situation et la tension qui en ressort alors, et il n’est nul besoin d’être un spécialiste du macaque pour envisager que l’animal ne goûte guère d’être lié par la queue à l’un de ses congénères. Tout comme l’homme, le singe a le nœud sensible lorsqu’il est fait avec quoi que ce soit d’autre que du cordage.

Démêler les queues de singes doit son succès à Charles Darwin qui agit comme tel en publiant L’Origine des espèces en 1859, premier ouvrage scientifique à démontrer que l’homme descend du singe (celui qui jouissait des bananes les plus mûres) bien qu’ayant perdu son appendice caudal en descendant de l’arbre. Le succès de sa publication va ainsi propulser démêler les queues de singes au rang d’expression la plus efficace pour saluer l’aboutissement d’un travail de recherches ardues, et ce malgré les controverses vaticanes.

Notons que ces réticences dogmatiques à accepter d’être un chimpanzé sachant parler proviennent vraisemblablement du nœud en queue de singe – nœud d’arrêt formant un cylindre de cordage ainsi appelé en hommage au jocko – qui est aussi dit nœud des franciscains, ces derniers ayant insisté pour ceinturer leur robe de bure sans référence simiesque.

Fig. B. Singes faisant les cons.

Le 31 janvier 1961, Ham s’envole pour la mission Mercury-Atlas 2 et devient le premier chimpanzé à aller faire un tour dans l’espace, deux mois avant le premier homme; une véritable humiliation.

Poussé par la propagande officielle Youri Gagarine (le Russe) deviendra plus célèbre que Ham (l’Américain), mais cet épisode marquera surtout un consensus entre les grandes puissance sur l’usage de démêler les queues de singes :  d’un commun accord l’expression est considérée comme inutilisable tant que cette planète demeurera celle des hommes et non celle des singes (ceci fera l’objet d’une histoire qui est, comme son nom l’indique, une autre histoire¹).

Aux hommes les tâches sérieuses et difficultueuses (conquête de l’espace, zigouillage de tout ce qui bouge, guerres, etc.), aux singes les cabrioles, pitreries et les expressions surannées pour faire rigoler les enfants.

¹Le roman de Pierre Boulle, La Planète des singes, paraîtra en 1963.

Laisser un commentaire