En rester comme deux ronds de flan [â rèsté kòm dö rô de flâ]

En rester comme deux ronds de flan

Fig. A. Ébaubi.

[â rèsté kòm dö rô de flâ] (loc. numism. SURP.)
Si nombreuses sont les expressions de la langue française concoctées en cuisine, il est aussi quelques faux amis de toute autre origine.

En rester comme deux ronds de flan n’est pas l’œuvre d’une guilde pâtissière de la crème sucrée à base d’œufs, de lait et de farine, mais plutôt de la corporation des gens d’argents, banquiers et usuriers ayant besoin de flaons pour se sentir puissants.

Qui frappe monnaie au XVIe siècle le fait en effet sur des flaons (l’essai sur des flans n’ayant rien donné de probant), ces disques de cuivre, d’argent ou d’or chargés de matérialiser la valeur de tout – et surtout de ceux qui les possèdent en poche. Il conviendra un jour de se pencher sur cette convention majoritaire de faire du rond l’étalon du capital¹, le coquillage et le cochon ayant quasiment disparu ou ne demeurant que sous forme exotique (mais ceci sera une autre histoire).

Tout vient du flaon

L’observation attentive du visage de l’ébahi aux yeux exorbités s’apparentant aisément à deux flaons imposera donc sans questionnement en rester comme deux ronds de flan, la perte du -o s’expliquant certainement par sa prononciation inaudible.

Charles du Fresne, sieur du Cange, éminent linguiste qui trempait aussi dans la finance en tant que trésorier de France signale lui-même dans son Glossarium novum ad scriptores medii aevi paru en 1766 que « Jehan de Gennes, ouvrier de monnoye, a esté prins et emprisonné pour souspeçon d’avoir ouvré flaons de monnoye qui n’estoient pas de bon aloy », et l’on peut aisément en déduire qu’en rester comme deux ronds de flan étaient déjà dans toutes les bouches d’estomaqués.

Les multiples et quotidiennes raisons de s’avérer éberlué, ébaubi ou interdit ne manquant pas (avénement de la fée électricité, épopée de l’ASSE en coupe d’Europe de football, petit pas de l’homme sur la lune, etc.), en rester comme deux ronds de flan se déploiera sans difficulté aucune dans tout le pays.

Conjuguée au succès du flan pâtissier triangulaire comme goûter de quatre heures, l’obligation faite à des milliers d’enfants de calculer avec ∏r² l’aire du disque tracé au tableau et d’apprendre par cœur que le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés aura raison d’en rester comme deux ronds de flan, les meilleurs élèves férus de géométrie euclidienne se heurtant immanquablement à la quadrature du cercle en tentant de comprendre ces deux ronds de flan.

Calculer et compter s’avérant plus important qu’orthographier et discourir, en rester comme deux ronds de flan quittera ses billes écarquillées et se fera oublier.

Plus rien n’étonne en modernité.

¹Donnant l’expression avoir des ronds.

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